Accueil Catalogues en ligne Art sur papier. Acquisitions récentes 54. Johannes Lutma le Jeune Amsterdam 1624 – 1689 Amsterdam Autoportrait de l’artiste dessinant, vers 1650 Johannes Lutma le Jeune était le fils aîné de Johannes Lutma l’Aîné (1584-1669), le célèbre orfèvre d’Emden. Après un séjour à Paris, ce dernier s’était fixé à Amsterdam en 1621, où il reçut une série de commandes prestigieuses. Il s’est probablement lié d’amitié avec Rembrandt, qui a gravé son portrait en 16561. Suivant les traces de son père, Johannes Lutma le Jeune a sans doute exercé, lui aussi, une activité d’orfèvre. Cependant on ne connaît de lui aucun objet d’argenterie, uniquement des médailles2. Il était par ailleurs dessinateur et graveur de talent, renommé pour sa technique de gravure singulière, appelée opus mallei (ouvrage fait au maillet). L’artiste n’utilisait pas le burin mais travaillait avec ses outils d’orfèvre, poinçonnant de petits pointillés sur la plaque de cuivre. Cette méthode de gravure en criblé, surtout utilisée par les orfèvres, permet de créer des estampes qui présentent des effets de tons comparables à ceux des dessins au lavis3. Cet Autoportrait de l’artiste dessinant, dont les tirages sont extrêmement rares, n’a pas été exécuté dans cette technique, mais soigneusement tracé dans la couche de vernis sur la plaque de cuivre avec un stylet très fin. Il présente le jeune artiste assis à une table, le visage éclairé par une seule source lumineuse cachée au spectateur. Le jeu de la lumière sur le bout de son nez, le bord du chapeau et surtout autour des yeux est rendu avec vraisemblance par de petits points et des traits, qui révèlent la méthode de travail de l’orfèvre. Pour souligner l’effet de clair-obscur, l’artiste a retravaillé l’impression avec du graphite, fonçant les parties ombrées de la composition, telles que le côté gauche de son visage ou encore son épaule et son bras gauches. En outre, il a fait des corrections sur l’écharpe, drapée nonchalamment autour de son cou, et sur le côté droit de son chapeau. Ces modifications au graphite semblent avoir été en partie ajoutées par l’artiste dans la plaque de cuivre, pour l’état suivant de la gravure4. Cette gravure est clairement redevable à Rembrandt à la fois par son exécution et par le choix iconographique du portrait au naturel. Elle évoque aussitôt l’Autoportrait gravant près d’une fenêtre exécutée par le maître en 16485. Les deux artistes se sont dépeints dessinant ou gravant, en utilisant un miroir pour saisir leurs effigies avec exactitude. Un autoportrait – récemment acquis par la Fondation Custodia – de Samuel van Hoogstraten (1627-1687), un des élèves de Rembrandt au début des années 1649, montre l’artiste, lui aussi dessinant à une table (voir cat. n° 44). Bien que nous ne disposions d’aucun document qui confirme que Lutma ait été en apprentissage auprès de Rembrandt, l’artiste devait connaître le maître et son œuvre grâce à son père6. Inspiré par ce dernier, Lutma se représente comme un habile dessinateur, se regardant avec assurance dans le miroir. À la différence de l’autoportrait de Van Hoogstraten, cette gravure n’est pas un exercice de dessin, mais une œuvre d’art indépendante qui offre à voir au public les talents d’artiste de Lutma. MR 1Paris, Fondation Custodia, inv. 1285 (eau-forte et pointe sèche, sur papier japonais ; 196 × 150 mm) ; Erik Hinterding, Rembrandt Etchings from the Frits Lugt Collection, 2 vol., Bussum, 2008, vol. I, p. 492-494, n° 204, repr., vol. II, p. 228. 2Peter Schatborn, Dutch Figure Drawings from the Seventeenth Century, cat. exp., Amsterdam, Rijksmuseum, et Washington, National Gallery of Art, 1982, p. 66 ; Dirk Jan Biemond, « Historiestukken in zilver : penningen van Johannes Lutma junior », Oud Holland, CXXVII, 2014, nos 2/3, p. 116-154. 3Clifford S. Ackley, Printmaking in the Age of Rembrandt, cat. exp., Boston, Museum of Fine Arts, et Saint Louis, Saint Louis Art Museum, 1981, p. 280-281. 4Des impressions de cet état plus tardif, avec la plaque de cuivre rognée dans le bas et des traces d’usure sur l’ensemble de la surface, se trouvent à Amsterdam, Rijksmuseum, inv. RP-P-1889-A-15064 ; et Londres, British Museum, inv. 1843,0513.529 ; https://www.rijksmuseum.nl/nl/zoeken et http://www.britishmuseum.org/research/collection_online/search.aspx. 5Paris, Fondation Custodia, inv. 4087 (eau-forte, pointe-sèche et burin, sur papier japonais ; 157/158 × 128 mm) ; Hinterding 2008, op. cit. (note 1), p. 62-64, n° 14. 6D’après son inventaire, Lutma possédait plusieurs peintures de Rembrandt ; A. Bredius, « De nalatenschap van Joannes Lutma (den Jongen) », Oud-Holland, XXX, 1912, n° 4, p. 219-222.
Johannes Lutma le Jeune était le fils aîné de Johannes Lutma l’Aîné (1584-1669), le célèbre orfèvre d’Emden. Après un séjour à Paris, ce dernier s’était fixé à Amsterdam en 1621, où il reçut une série de commandes prestigieuses. Il s’est probablement lié d’amitié avec Rembrandt, qui a gravé son portrait en 16561. Suivant les traces de son père, Johannes Lutma le Jeune a sans doute exercé, lui aussi, une activité d’orfèvre. Cependant on ne connaît de lui aucun objet d’argenterie, uniquement des médailles2. Il était par ailleurs dessinateur et graveur de talent, renommé pour sa technique de gravure singulière, appelée opus mallei (ouvrage fait au maillet). L’artiste n’utilisait pas le burin mais travaillait avec ses outils d’orfèvre, poinçonnant de petits pointillés sur la plaque de cuivre. Cette méthode de gravure en criblé, surtout utilisée par les orfèvres, permet de créer des estampes qui présentent des effets de tons comparables à ceux des dessins au lavis3. Cet Autoportrait de l’artiste dessinant, dont les tirages sont extrêmement rares, n’a pas été exécuté dans cette technique, mais soigneusement tracé dans la couche de vernis sur la plaque de cuivre avec un stylet très fin. Il présente le jeune artiste assis à une table, le visage éclairé par une seule source lumineuse cachée au spectateur. Le jeu de la lumière sur le bout de son nez, le bord du chapeau et surtout autour des yeux est rendu avec vraisemblance par de petits points et des traits, qui révèlent la méthode de travail de l’orfèvre. Pour souligner l’effet de clair-obscur, l’artiste a retravaillé l’impression avec du graphite, fonçant les parties ombrées de la composition, telles que le côté gauche de son visage ou encore son épaule et son bras gauches. En outre, il a fait des corrections sur l’écharpe, drapée nonchalamment autour de son cou, et sur le côté droit de son chapeau. Ces modifications au graphite semblent avoir été en partie ajoutées par l’artiste dans la plaque de cuivre, pour l’état suivant de la gravure4. Cette gravure est clairement redevable à Rembrandt à la fois par son exécution et par le choix iconographique du portrait au naturel. Elle évoque aussitôt l’Autoportrait gravant près d’une fenêtre exécutée par le maître en 16485. Les deux artistes se sont dépeints dessinant ou gravant, en utilisant un miroir pour saisir leurs effigies avec exactitude. Un autoportrait – récemment acquis par la Fondation Custodia – de Samuel van Hoogstraten (1627-1687), un des élèves de Rembrandt au début des années 1649, montre l’artiste, lui aussi dessinant à une table (voir cat. n° 44). Bien que nous ne disposions d’aucun document qui confirme que Lutma ait été en apprentissage auprès de Rembrandt, l’artiste devait connaître le maître et son œuvre grâce à son père6. Inspiré par ce dernier, Lutma se représente comme un habile dessinateur, se regardant avec assurance dans le miroir. À la différence de l’autoportrait de Van Hoogstraten, cette gravure n’est pas un exercice de dessin, mais une œuvre d’art indépendante qui offre à voir au public les talents d’artiste de Lutma. MR 1Paris, Fondation Custodia, inv. 1285 (eau-forte et pointe sèche, sur papier japonais ; 196 × 150 mm) ; Erik Hinterding, Rembrandt Etchings from the Frits Lugt Collection, 2 vol., Bussum, 2008, vol. I, p. 492-494, n° 204, repr., vol. II, p. 228. 2Peter Schatborn, Dutch Figure Drawings from the Seventeenth Century, cat. exp., Amsterdam, Rijksmuseum, et Washington, National Gallery of Art, 1982, p. 66 ; Dirk Jan Biemond, « Historiestukken in zilver : penningen van Johannes Lutma junior », Oud Holland, CXXVII, 2014, nos 2/3, p. 116-154. 3Clifford S. Ackley, Printmaking in the Age of Rembrandt, cat. exp., Boston, Museum of Fine Arts, et Saint Louis, Saint Louis Art Museum, 1981, p. 280-281. 4Des impressions de cet état plus tardif, avec la plaque de cuivre rognée dans le bas et des traces d’usure sur l’ensemble de la surface, se trouvent à Amsterdam, Rijksmuseum, inv. RP-P-1889-A-15064 ; et Londres, British Museum, inv. 1843,0513.529 ; https://www.rijksmuseum.nl/nl/zoeken et http://www.britishmuseum.org/research/collection_online/search.aspx. 5Paris, Fondation Custodia, inv. 4087 (eau-forte, pointe-sèche et burin, sur papier japonais ; 157/158 × 128 mm) ; Hinterding 2008, op. cit. (note 1), p. 62-64, n° 14. 6D’après son inventaire, Lutma possédait plusieurs peintures de Rembrandt ; A. Bredius, « De nalatenschap van Joannes Lutma (den Jongen) », Oud-Holland, XXX, 1912, n° 4, p. 219-222.