63. Adolphe-Martial Potémont

Paris 1828 – 1883 Paris

Lettre sur les éléments de la gravure à l’eau-forte, 1873

Martial Potémont, élève de Léon Cogniet (1794-1880), est un artiste dont le nom reste attaché à l’imaginaire du vieux Paris, qu’il a contribué à forger au travers notamment d’une suite de 300 eaux-fortes intitulée L’Ancien Paris, publiée en 1864. Il est aussi, aux côtés de Charles Meryon (1821-1868), l’un des graveurs les plus renommés de la capitale et s’inscrit dans le renouveau français de l’eau-forte.

En 2010, la Fondation Custodia acquiert la suite complète – et très rare1 – de sa Lettre sur les éléments de la gravure à l’eau-forte, composée de quatre planches ainsi que d’une page de titre. Adoptant le genre de la lettre illustrée, il propose un traité concis permettant à tout artiste amateur de maîtriser rapidement les rudiments de l’eau-forte, du choix des outils au tirage des épreuves. Le recours de Potémont au style épistolaire est loin d’être une exception dans son corpus gravé, puisque Henri Béraldi en recense huit autres exemples2. L’artiste utilise donc pour exposer ses idées un procédé rhétorique bien connu depuis le XVIIIe siècle, en lui donnant ici une dimension quelque peu parodique. En effet, le texte de la lettre n’est pas dépourvu d’humour, puisque celle-ci est adressée à « Mon cher Martial » – et non à un correspondant imaginaire souvent anonyme, comme au siècle précédent – par « A. Potémont ». Le graveur y met donc en scène une double identité, étant à la fois destinataire et auteur du texte.

Le frontispice reproduit en trompe-l’œil une lettre dépliée, datée de juin 1864, et son enveloppe portant le timbre-date de la poste et cette inscription : « Lettre sur les éléments / de la gravure à l’eau-forte / par A. Potémont / chez Messieurs Cadart et Luquet / rue Richelieu 79 ». Le graveur pousse le réalisme jusqu’à reproduire, en haut à gauche de la lettre, dans un ton de gris léger, le cachet de l’imprimerie. Cette planche de titre, de taille bien inférieure au reste de la série, est en elle-même un manifeste de l’art de graver. Potémont illustre ici la capacité de l’eau-forte à imiter le réel, à condition qu’elle soit correctement mise en œuvre : nuances de gris ou noirs intenses obtenus selon la durée de la morsure, tailles parallèles fines pour créer les reliefs – les plis de la feuille, ses coins cornés – tailles croisées pour marquer les ombres, extrême précision du dessin qui permet de reproduire jusqu’aux perforations du timbre. C’est donc un véritable programme qui annonce les bénéfices à tirer de la leçon développée dans cette Lettre. Il faut y voir aussi un hommage rendu au monde parisien de l’eau-forte : la maison Cadart et Luquet, à qui est adressée la lettre, était non seulement une galerie d’art et un éditeur d’estampes, mais aussi le siège de la Société Générale des Aquafortistes (1862-1867), dont Potémont était l’un des membres fondateurs – aux côtés de Félix Bracquemond (1833-1914) et Édouard Manet (1832-1883) (voir cat. n° 55) –, et où les graveurs pouvaient se fournir en matériel. MNG

1Peu d’institutions possèdent la série complète ; citons l’Art Institute de Chicago (inv. 1949.653a-e) ; le Minneapolis Institute of Art (inv. P.3,234.1-5) ; le British Museum à Londres (inv. 1865,0429.137-141) ; le Rijksmuseum d’Amsterdam (inv. RP-P-1950-155A-E).

2Henri Béraldi, Les graveurs du XIXe siècle : guide de l’amateur d’estampes modernes, 12 vol., Paris, 1885-1892, vol. XI, p. 34, n° 3 et p. 35, nos 17 et 22.