Accueil Catalogues en ligne Un œil passionné. Douze ans d’acquisitions de Ger Luijten 81. Otto Franz Scholderer Francfort-sur-le-Main 1834 – 1902 Francfort-sur-le-Main Autoportrait Otto Scholderer s’installa à Paris au début de l’année 1857 afin d’y parfaire sa formation artistique. C’est lors d’une visite au Louvre qu’il rencontra Henri Fantin-Latour (1836–1904), avec qui il noua une profonde amitié. Par l’intermédiaire de Fantin-Latour, Scholderer fréquentait un atelier de plein air à Montrouge, près de Paris1. L’esthétique naturaliste prônée par ces artistes eut un impact décisif sur sa production, principalement constituée de natures mortes et de portraits. De retour à Francfort au printemps 1858, il entama avec Fantin-Latour une correspondance qui allait durer jusqu’à son décès en 1902. Elle forme un témoignage exceptionnel2 de leurs destinées artistiques entrelacées. Depuis 2011, la Fondation Custodia en conserve une grande partie dans son fonds d’autographes (voir cat. 149)3. Entre 1884 et 1886, les deux artistes échangèrent au sujet du pastel, un procédé auquel ils s’intéressaient alors. Scholderer détaillait ses matériaux de prédilection et sa technique graphique4, tout en se montrant soucieux de la fragilité inhérente de ces œuvres, notant que « les pastels ne sont pas faits pour l’éternité5 ». Cet échange culmina en 1885-18866 avec la réalisation par Scholderer d’un autoportrait au pastel7 qu’il envoya à son ami. La parenté entre cet autoportrait et celui de la Fondation Custodia est frappante. En effet, l’artiste se représenta exactement dans la même tenue — à l’exception du chapeau à larges bords — ce qui laisse penser que les deux œuvres furent réalisées lors d’une même séance de travail. Dans notre version, toutefois, Scholderer pose de trois-quarts, son regard introspectif tourné vers la gauche, sur un fond gris-vert, tandis qu’il a destiné à Fantin son visage de face, devant un fond brun-noir. Il employa dans les deux cas un support beige, dont il laisse transparaître par endroits la couleur et le grain sous le pastel. Il explora cependant dans notre œuvre une gamme chromatique plus riche, et un traitement de la matière plus pictural. Si l’autoportrait est un genre que Scholderer pratiqua tout au long de sa carrière, nous ne connaissons de lui que trois autoportraits au pastel, tous datés de 18858. Il s’agit vraisemblablement d’œuvres intimes9, réalisées pour lui-même et pour son plus proche ami. L’entrée en 2016 de cette œuvre à la Fondation Custodia témoigne elle aussi d’une histoire d’amitié, celle qui liait Ger Luijten au marchand francfortois Helmut H. Rumbler. Ce dernier, connaissant le souhait de Ger Luijten d’acquérir un portrait du partenaire épistolaire de Fantin-Latour, fit l’achat de ce pastel lors de sa réapparition sur le marché de l’art, promettant de l’offrir à sa mort à la Fondation Custodia. Marie-Noëlle Grison 1Peter Kropmanns, « Frankfurt - Frankreich und zurück », dans Manfred Grosskinsky (dir.), Otto Scholderer. 1834–1902. Die neue Wirklichkeit des Malerischen, cat. exp. Francfort-sur-le-Main (Museum Regionaler Kunst), 2002, p. 26. 2Répartie entre la Fondation Custodia et la bibliothèque universitaire de Francfort, cette correspondance a été intégralement transcrite, indexée et annotée. Elle est accessible en ligne depuis 2014 : Mathilde Arnoux, Thomas W. Gaehtgens et Anne Tempelaere-Panzani (éds.), Correspondance entre Henri Fantin-Latour et Otto Scholderer (1858-1902), Paris, Centre allemand d’histoire de l’art, 2014 . 3Il s’agit d’une centaine de lettres de Fantin-Latour adressées à Scholderer, inv. 2011-A.1/142. 4Lettre de Scholderer à Fantin-Latour du 31 décembre 1884. 5Lettre de Scholderer à Fantin-Latour du 6 avril 1885. 6Lettres de Scholderer à Fantin-Latour du 4 janvier 1886 , et du 8 juin 1886 . Fantin accusa réception de l’œuvre dans sa lettre du 11 juin 1886. 7Otto Scholderer, Autoportrait, inscrit, en haut à gauche : « a mon ami H. Fantin, Paris 1885 » et monogrammé, en haut à droite « O S », pastel sur papier, 600 × 500 mm, collection particulière ; Jutta Bagdahn, Otto Franz Scholderer (1834-1902). Monographie und Werkverzeichnis, Berlin, 2020, n° 252, repr. 8Grosskinsky 2002, op. cit. (note 1), p. 157. 9Le troisième autoportrait au pastel provient comme le nôtre de la collection du fils de l’artiste. Il est aujourd’hui conservé dans une collection particulière berlinoise ; Bagdhan 2020, op. cit. (note 7), n° 255 (non repr.). La correspondance entre Scholderer et Fantin-Latour ne fait nulle part mention de ces deux autres autoportraits au pastel.
Otto Scholderer s’installa à Paris au début de l’année 1857 afin d’y parfaire sa formation artistique. C’est lors d’une visite au Louvre qu’il rencontra Henri Fantin-Latour (1836–1904), avec qui il noua une profonde amitié. Par l’intermédiaire de Fantin-Latour, Scholderer fréquentait un atelier de plein air à Montrouge, près de Paris1. L’esthétique naturaliste prônée par ces artistes eut un impact décisif sur sa production, principalement constituée de natures mortes et de portraits. De retour à Francfort au printemps 1858, il entama avec Fantin-Latour une correspondance qui allait durer jusqu’à son décès en 1902. Elle forme un témoignage exceptionnel2 de leurs destinées artistiques entrelacées. Depuis 2011, la Fondation Custodia en conserve une grande partie dans son fonds d’autographes (voir cat. 149)3. Entre 1884 et 1886, les deux artistes échangèrent au sujet du pastel, un procédé auquel ils s’intéressaient alors. Scholderer détaillait ses matériaux de prédilection et sa technique graphique4, tout en se montrant soucieux de la fragilité inhérente de ces œuvres, notant que « les pastels ne sont pas faits pour l’éternité5 ». Cet échange culmina en 1885-18866 avec la réalisation par Scholderer d’un autoportrait au pastel7 qu’il envoya à son ami. La parenté entre cet autoportrait et celui de la Fondation Custodia est frappante. En effet, l’artiste se représenta exactement dans la même tenue — à l’exception du chapeau à larges bords — ce qui laisse penser que les deux œuvres furent réalisées lors d’une même séance de travail. Dans notre version, toutefois, Scholderer pose de trois-quarts, son regard introspectif tourné vers la gauche, sur un fond gris-vert, tandis qu’il a destiné à Fantin son visage de face, devant un fond brun-noir. Il employa dans les deux cas un support beige, dont il laisse transparaître par endroits la couleur et le grain sous le pastel. Il explora cependant dans notre œuvre une gamme chromatique plus riche, et un traitement de la matière plus pictural. Si l’autoportrait est un genre que Scholderer pratiqua tout au long de sa carrière, nous ne connaissons de lui que trois autoportraits au pastel, tous datés de 18858. Il s’agit vraisemblablement d’œuvres intimes9, réalisées pour lui-même et pour son plus proche ami. L’entrée en 2016 de cette œuvre à la Fondation Custodia témoigne elle aussi d’une histoire d’amitié, celle qui liait Ger Luijten au marchand francfortois Helmut H. Rumbler. Ce dernier, connaissant le souhait de Ger Luijten d’acquérir un portrait du partenaire épistolaire de Fantin-Latour, fit l’achat de ce pastel lors de sa réapparition sur le marché de l’art, promettant de l’offrir à sa mort à la Fondation Custodia. Marie-Noëlle Grison 1Peter Kropmanns, « Frankfurt - Frankreich und zurück », dans Manfred Grosskinsky (dir.), Otto Scholderer. 1834–1902. Die neue Wirklichkeit des Malerischen, cat. exp. Francfort-sur-le-Main (Museum Regionaler Kunst), 2002, p. 26. 2Répartie entre la Fondation Custodia et la bibliothèque universitaire de Francfort, cette correspondance a été intégralement transcrite, indexée et annotée. Elle est accessible en ligne depuis 2014 : Mathilde Arnoux, Thomas W. Gaehtgens et Anne Tempelaere-Panzani (éds.), Correspondance entre Henri Fantin-Latour et Otto Scholderer (1858-1902), Paris, Centre allemand d’histoire de l’art, 2014 . 3Il s’agit d’une centaine de lettres de Fantin-Latour adressées à Scholderer, inv. 2011-A.1/142. 4Lettre de Scholderer à Fantin-Latour du 31 décembre 1884. 5Lettre de Scholderer à Fantin-Latour du 6 avril 1885. 6Lettres de Scholderer à Fantin-Latour du 4 janvier 1886 , et du 8 juin 1886 . Fantin accusa réception de l’œuvre dans sa lettre du 11 juin 1886. 7Otto Scholderer, Autoportrait, inscrit, en haut à gauche : « a mon ami H. Fantin, Paris 1885 » et monogrammé, en haut à droite « O S », pastel sur papier, 600 × 500 mm, collection particulière ; Jutta Bagdahn, Otto Franz Scholderer (1834-1902). Monographie und Werkverzeichnis, Berlin, 2020, n° 252, repr. 8Grosskinsky 2002, op. cit. (note 1), p. 157. 9Le troisième autoportrait au pastel provient comme le nôtre de la collection du fils de l’artiste. Il est aujourd’hui conservé dans une collection particulière berlinoise ; Bagdhan 2020, op. cit. (note 7), n° 255 (non repr.). La correspondance entre Scholderer et Fantin-Latour ne fait nulle part mention de ces deux autres autoportraits au pastel.