Accueil Catalogues en ligne Un œil passionné. Douze ans d’acquisitions de Ger Luijten 86. Camille Corot Paris 1796 – 1875 Ville d’Avray Voyageurs dans un paysage montagneux près de Rome S’ils le formèrent dans le goût néoclassique, les maîtres de Camille Corot, Achille-Etna Michallon (1796–1822) et Jean-Victor Bertin (1767–1842), insistèrent également sur l’importance de la compréhension du paysage par le dessin sur le motif. L’artiste mit ces préceptes en pratique dès son premier voyage en Italie, entre 1825 et 1828. Ce dessin, non daté contrairement à plusieurs autres réalisés pendant son premier séjour, est sans doute à rattacher au tout début de sa période italienne. Il témoigne donc des expérimentations de Corot, qui forgeait alors son langage graphique autant que sa sensibilité novatrice. L’utilisation du graphite, qui permet un travail rapide et spontané, confère à cette feuille l’énergie d’un dessin réalisé sur le motif, tandis que la construction du paysage révèle, par l’enchaînement harmonieux des plans, l’importance de la formation classique de l’artiste. Corot parvint néanmoins à donner vie à son paysage en l’infusant d’une lumière intense, atmosphérique, et en l’animant de figures1. À gauche, l’artiste s’attacha à décrire précisément les silhouettes des arbres, la masse des feuillages et les volumes des rochers, ombrés par un jeu de hachures denses2. Le motif repoussoir de l’arbre, au bord de la feuille, est particulièrement soigné : Corot a restitué de manière presque décorative sa ligne tortueuse, les branches qui s’entremêlent et la texture de l’écorce. Une attention similaire transparaît dans d’autres magistrales études réalisées dans les environs de Civita Castellana en 1827, où l’arbre occupe cette fois une place centrale3. Le reste du paysage est traité en ellipse, Corot se limitant à noter les contours d’un trait léger mais assuré. La topographie des lieux, quant à elle, évoque les environs d’Ariccia, que Corot arpentait vers novembre 18264. Si notre dessin provenait effectivement de la collection du peintre Henri Harpignies (1819–1916), comme le laisse entendre une inscription ancienne, il constituerait une nouvelle preuve des liens entre les deux artistes, déjà illustrés au sein de la collection d’autographes de la Fondation Custodia par une lettre de Harpignies à Corot5. L’acquisition de cet important dessin de jeunesse de Corot confirme la place donnée à l’artiste par la Fondation Custodia, qui conserve de lui cinq autres dessins, plusieurs tableaux, des estampes – dont un cliché-verre –, un riche fonds d’autographes, son buste en terre cuite en réduction par Albert-Ernest Carrier-Belleuse (1824–1887) et un portrait de lui dessiné au fusain par Charles-Paul-Étienne Desavary (1837–1885)6. Marie-Noëlle Grison 1Celle de la femme portant un panier sur la tête semble reprise d’une autre feuille de Corot, Figures dans un vallon traversé par un ruisseau, près de Papigno, plume et encre brune, 315 × 386 mm, Paris, musée du Louvre, inv. RF 8964 ; Alfred Robaut, L’Œuvre de Corot, Paris, 1905, vol. I, p. 36, n° 2494, repr. 2Cet intérêt pour les formations rocheuses se retrouve notamment dans un autre dessin de la collection Normand acquis par la Fondation Custodia, Vue de Valmontone, près de Rome, 1829, graphite, 210 × 315 mm, inv. 2017-T.32 ; ainsi que dans une Étude des carrières de Fontainebleau, vers 1830-1835, graphite, 100 × 150 mm, vente, Paris (Artcurial), 27 mars 2009, n° 74, repr. 3Comme dans ces autres dessins du Louvre : inv. RF 5220, Robaut 1905, op. cit. (note 1), vol. IV, p. 14, n° 2505 ; inv. RF 3405, Arlette Serullaz, Corot, cat. exp. Paris (musée du Louvre), 2007, n° 7 ; et inv. RF 4026. 4Ainsi qu’en témoigne ce dessin à Paris, musée du Louvre, inv. RF 5221. 5Inv. 1996-A.344, datée du 28 juin 1871. 6Dessins : inv. 2001-T.2, 2002-T.30, 2015-T.18, 2017-T.32 et 2019-T.68 ; tableaux : inv. 6384 (attribué à), 2013-S.29 (voir cat. 35), 2014-S.12 (attribué à), 2017-S.25, 2018-S.3, 2018-S.20 et 2023-S.46 (attribué à) ; estampes : inv. 2004-P.20, 2011-P.54, 2012-P.47 (le cliché-verre) et 2018-P.61 ; buste par Carrier-Belleuse : inv. 2014-B.3 ; portrait par Desavary : inv. 1998-T.12.
S’ils le formèrent dans le goût néoclassique, les maîtres de Camille Corot, Achille-Etna Michallon (1796–1822) et Jean-Victor Bertin (1767–1842), insistèrent également sur l’importance de la compréhension du paysage par le dessin sur le motif. L’artiste mit ces préceptes en pratique dès son premier voyage en Italie, entre 1825 et 1828. Ce dessin, non daté contrairement à plusieurs autres réalisés pendant son premier séjour, est sans doute à rattacher au tout début de sa période italienne. Il témoigne donc des expérimentations de Corot, qui forgeait alors son langage graphique autant que sa sensibilité novatrice. L’utilisation du graphite, qui permet un travail rapide et spontané, confère à cette feuille l’énergie d’un dessin réalisé sur le motif, tandis que la construction du paysage révèle, par l’enchaînement harmonieux des plans, l’importance de la formation classique de l’artiste. Corot parvint néanmoins à donner vie à son paysage en l’infusant d’une lumière intense, atmosphérique, et en l’animant de figures1. À gauche, l’artiste s’attacha à décrire précisément les silhouettes des arbres, la masse des feuillages et les volumes des rochers, ombrés par un jeu de hachures denses2. Le motif repoussoir de l’arbre, au bord de la feuille, est particulièrement soigné : Corot a restitué de manière presque décorative sa ligne tortueuse, les branches qui s’entremêlent et la texture de l’écorce. Une attention similaire transparaît dans d’autres magistrales études réalisées dans les environs de Civita Castellana en 1827, où l’arbre occupe cette fois une place centrale3. Le reste du paysage est traité en ellipse, Corot se limitant à noter les contours d’un trait léger mais assuré. La topographie des lieux, quant à elle, évoque les environs d’Ariccia, que Corot arpentait vers novembre 18264. Si notre dessin provenait effectivement de la collection du peintre Henri Harpignies (1819–1916), comme le laisse entendre une inscription ancienne, il constituerait une nouvelle preuve des liens entre les deux artistes, déjà illustrés au sein de la collection d’autographes de la Fondation Custodia par une lettre de Harpignies à Corot5. L’acquisition de cet important dessin de jeunesse de Corot confirme la place donnée à l’artiste par la Fondation Custodia, qui conserve de lui cinq autres dessins, plusieurs tableaux, des estampes – dont un cliché-verre –, un riche fonds d’autographes, son buste en terre cuite en réduction par Albert-Ernest Carrier-Belleuse (1824–1887) et un portrait de lui dessiné au fusain par Charles-Paul-Étienne Desavary (1837–1885)6. Marie-Noëlle Grison 1Celle de la femme portant un panier sur la tête semble reprise d’une autre feuille de Corot, Figures dans un vallon traversé par un ruisseau, près de Papigno, plume et encre brune, 315 × 386 mm, Paris, musée du Louvre, inv. RF 8964 ; Alfred Robaut, L’Œuvre de Corot, Paris, 1905, vol. I, p. 36, n° 2494, repr. 2Cet intérêt pour les formations rocheuses se retrouve notamment dans un autre dessin de la collection Normand acquis par la Fondation Custodia, Vue de Valmontone, près de Rome, 1829, graphite, 210 × 315 mm, inv. 2017-T.32 ; ainsi que dans une Étude des carrières de Fontainebleau, vers 1830-1835, graphite, 100 × 150 mm, vente, Paris (Artcurial), 27 mars 2009, n° 74, repr. 3Comme dans ces autres dessins du Louvre : inv. RF 5220, Robaut 1905, op. cit. (note 1), vol. IV, p. 14, n° 2505 ; inv. RF 3405, Arlette Serullaz, Corot, cat. exp. Paris (musée du Louvre), 2007, n° 7 ; et inv. RF 4026. 4Ainsi qu’en témoigne ce dessin à Paris, musée du Louvre, inv. RF 5221. 5Inv. 1996-A.344, datée du 28 juin 1871. 6Dessins : inv. 2001-T.2, 2002-T.30, 2015-T.18, 2017-T.32 et 2019-T.68 ; tableaux : inv. 6384 (attribué à), 2013-S.29 (voir cat. 35), 2014-S.12 (attribué à), 2017-S.25, 2018-S.3, 2018-S.20 et 2023-S.46 (attribué à) ; estampes : inv. 2004-P.20, 2011-P.54, 2012-P.47 (le cliché-verre) et 2018-P.61 ; buste par Carrier-Belleuse : inv. 2014-B.3 ; portrait par Desavary : inv. 1998-T.12.