Accueil Catalogues en ligne Un œil passionné. Douze ans d’acquisitions de Ger Luijten 90. Artiste français ou italien Portrait de François Langlois, dit Ciartres, vers 1630-1635 Entouré d’objets d’art soigneusement choisis, l’éditeur d’estampes et marchand d’art François Langlois, dit Ciartres (1588–1647), se présente au spectateur1. S’adressant à lui comme à un client potentiel, Langlois déroule une peinture à son intention2. De nombreuses toiles sont appuyées contre le mur. Un paquet d’estampes noué par un ruban, des dessins à la sanguine, une partition de musique et une sourdeline sont dispersés sur la table3. Cette mise en scène donne une image pour le moins pittoresque de l’un des personnages les plus importants de l’art français du XVIIe siècle. Grand voyageur, Langlois s’était constitué un réseau international de peintres, graveurs, collectionneurs et marchands de premier plan en France, en Italie, en Angleterre et aux Pays-Bas4. Avec Claude Vignon (1593–1670), il importa dans les années 1620 de très nombreux tableaux d’Italie5. Dans son magasin « Aux Colonnes d’Hercule », situé rue Saint-Jacques à Paris, Langlois vendait aussi un large choix d’estampes de maîtres italiens et hollandais, ou exécutées d’après leurs dessins, et il publia l’œuvre des plus grands graveurs français de son temps, tels qu’Abraham Bosse (vers 1602/1604–1676), François Collignon (vers 1609–1687) et Pierre Brebiette (1598–vers 1650)6. Les différents portraits que Claude Vignon et Anthony van Dyck (1599–1641) réalisèrent de Langlois sont une preuve tangible des relations professionnelles et amicales de ce dernier7. L’identité de l’auteur de notre tableau n’a pas encore été établie8. Une ancienne attribution à Claude Vignon ne peut être retenue9. L’exécution du portrait ne correspond pas non plus à la manière des peintres hollandais de l’époque, quoiqu’elle réserve une large part à la nature morte très réaliste10. Enfin, le clair-obscur caravagesque très marqué n’exclut aucunement une origine italienne11. D’un point de vue stylistique, et si l’on en juge par l’âge supposé du modèle, une date d’exécution autour de 1630-1635 pourrait être retenue. À cette époque, Langlois, après des années de voyage, s’était installé à Paris. Le nombre de toiles et d’objets antiques représentés sur notre tableau suggère que le commerce d’art constituait encore une part non négligeable de son activité à l’époque12. Tout à fait exceptionnelle, cette image d’un marchand d’art saisi dans son environnement professionnel s’apparente davantage aux portraits de collectionneurs entourés d’un ensemble d’objets de valeur qu’ils chérissent13. La personnalité de François Langlois, tant admirée par Frits Lugt, est présente de toutes sortes de façons dans la collection de la Fondation Custodia. Lugt acquit la virtuose esquisse de Van Dyck pour son célèbre Portrait de François Langlois en Savoyard, ainsi que des lettres de Jacques Stella (1596–1657) et de Claude Mellan (1598–1688) adressées à l’éditeur d’estampes14. Après une première tentative de Mària van Berge-Gerbaud, Ger Luijten réussit, peu de temps après son arrivée, à ajouter ce portrait capital à la collection. Saskia van Altena 1Ciartres était le surnom italianisant de Langlois, originaire de la région de Chartres. Il a été récemment établi que Langlois n’était pas né à Chartres mais à Bretoncelles ; voir Alain Bouzy, « François Langlois l’Européen, dit “Chartres” et “Ciartres”. Un éditeur qui fit rayonner le nom de Chartres au XVIIe siècle », Cahiers de la société archéologique d’Eure-et-Loir, vol. VIII, 2022, p. 49-51. 2Le tableau offre un aperçu intéressant de la manière dont les toiles peintes étaient conservées au XVIIe siècle, à savoir en rouleaux. L’inventaire après décès de Langlois, dressé à l’occasion du second mariage de son épouse Madeleine de Colmont, recense plus de 140 tableaux, dont la moitié sans cadre et plusieurs sans châssis ; voir son inventaire après décès, 22 avril 1655, Archives nationales, MC/ET/LXXXV/166. L’inventaire a été étudié pour la première fois par Roger-Armand Weigert, Inventaire du fonds français. Graveurs du XVIIe siècle, vol. VI, 1973, p. 286-299. Quelques fragments ont été transcrits et publiés par Robert Froté, « De François Langlois à Pierre II Mariette. Étude d’inventaires inédits ou le commerce de l’estampe à Paris de Callot à Watteau », Gazette des beaux-arts, vol. CII, 1983, p. 111-120. Le document complet a été récemment transcrit par Maxime Préaud (à paraître). 3La sourdeline est une variante de la cornemuse développée en Italie au XVIe siècle. Cet instrument savant et coûteux était réservé à l’élite et destiné à la musique de chambre. Dans les portraits par Vignon et Van Dyck (voir note 7), Langlois joue d’une musette, une autre variante sophistiquée de la cornemuse. Pour ces différents types d’instruments, voir Laurence Libin, « Le portrait de François Langlois par Claude Vignon », Musique, images, instruments. Revue française d’organologie et d’iconographie musicale, vol. V, 2003, p. 158-164. 4Lorsqu’il reçut son titre de maître libraire, en avril 1634, Langlois déclara avoir « esté absent de Paris l’espace de plus de vingt années pendant lesquelles il auroit continué l’exercice de la librairie tant en Espagne qu’en Italie et autres lieux » ; voir Marianne Grivel, Le Commerce de l’estampe à Paris au XVIIe siècle. Histoire et civilisation du Livre, vol. XVI, 1986, p. 330. Langlois fut apprenti chez l’éditeur François Baglier à Rome en 1613-1614. Sa présence est également signalée en Italie en 1621, 1625 et 1633. Outre Rome, il aurait visité Gênes et Florence ; voir Jacques Bousquet, Recherches sur le séjour des peintres français à Rome au XVIIe siècle, Montpellier, 1980, p. 204. Au cours de ces voyages, il fit probablement la connaissance de Claude Vignon, Anthony van Dyck, Stefano della Bella (1610–1664) et François Collignon, notamment. En 1635, Langlois était en Angleterre, où il vendit des dessins à Thomas Howard, comte d’Arundel (1585–1646) et au roi Charles Ier (r. 1625–1649) ; voir Grivel 1986, op. cit., p. 80-81 ; et Maxime Préaud et al., Dictionnaire des éditeurs d’estampes à Paris sous l’Ancien Régime, Paris, 1987, p. 191-193. 5Voir Paola Pacht Bassani, Claude Vignon (1593-1670), Paris, 1992, p. 96-98. 6Sur le fonds Langlois et son importance dans le commerce de l’estampe française contemporaine, voir Grivel 1986, op. cit. (note 4), p. 175-178. En ce qui concerne le commerce d’estampes de Rembrandt par Langlois, voir Jaco Rutgers, « Stefano della Bella en Rembrandt. De Franse connectie », De Kroniek van het Rembrandthuis, 2004, n° 1-2, p. 17-27. Voir aussi le cat. 73. 7Claude Vignon, Portrait de François Langlois (également connu sous le nom de Joueur de cornemuse), vers 1620-1625, Wellesley (Mass.), Wellesley College, Davis Museum and Cultural Centre, prêt de longue durée d’une collection particulière. Van Dyck réalisa un portrait de Langlois, jouant également de la musette, vers 1636 ou peut-être en 1641, en deux exemplaires. Une version est restée en sa possession, l’autre était destinée à Langlois. La première est conservée conjointement à la National Gallery de Londres et au Barber Institute of Fine Arts à Birmingham (inv. NG6567), la seconde dans une collection particulière en Amérique du Nord. Un dessin préparatoire, exécuté à la pierre noire avec rehauts de craie blanche, se trouve à Paris, dans la collection de la Fondation Custodia (inv. 2350). Pour les portraits, voir Stijn Alsteens et Adam Eaker, Van Dyck. The Anatomy of Portraiture, cat. exp. New York (The Frick Collection), 2016, p. 250-253. 8Les documents d’archives ne sont pas concluants. L’inventaire après décès de Langlois en 1655 (voir note 2) fait peut-être référence à des portraits de lui : « 2 tableaux, un sur toile, l’autre [effacé], deux portraits d’homme avec des flûtes, prisés 32 l ». En 1664, dans l’inventaire de sa veuve, Madeleine de Colmont, deux portraits sont mentionnés : « 2 portraits de feu Monsieur Langlois ; peints l’un par Vignon, l’autre par [laissé en blanc], prisés les deux 30 l. » ; voir Froté 1953, op. cit. (note 2), p. 116. L’inventaire de Claude Vignon de 1670 contenait également un « Portrait de Chiartres » ; voir Georges Wildenstein, « Deux inventaires de l’atelier de Claude Vignon », Gazette des beaux-arts, vol. XLIX, 1957, p. 183-192. 9L’attribution à Claude Vignon par les marchands Clovis Whitfield et Guy Rochat est corroborée par Arnauld Brejon de Lavergnée (correspondance, 18 janvier 2024, documentation de la Fondation Custodia, comme les correspondances citées à la suite). Elle est cependant rejetée par Paola Pacht Bassani (correspondance avec Hans Buijs, 16 juin 2010), qui est soutenue en cela par Claudia Salvi (correspondance, 15 avril 2012) et Corentin Dury (correspondance, 11 janvier 2024), Keith Christiansen et Sylvain Laveissière (correspondance de Guy Rochat à Cécile Tainturier, 24 janvier 2012), notamment. Les œuvres d’artistes français contemporains de Langlois influencés par les maîtres hollandais, comme les frères Le Nain ou le Maître des Jeux, ne présentent pas de parenté convaincante avec notre peinture. Je remercie également Cécile Tainturier et Hans Buijs pour leur aide dans la rédaction de cette notice, ainsi que Véronique Damian, Corentin Dury, Barbara Brejon de Lavergnée, Elvire de Maintenant et Dimitri Salmon pour leur expertise. 10À titre de comparaison, on pourra consulter par exemple la Vanité avec autoportrait (1651) de David Bailly (1584–1657) conservée à Leyde, musée De Lakenhal (inv. S 1351) ou la Conversation entre un artiste et un connaisseur de Pieter Codde (1599–1678) conservée à Paris, Fondation Custodia, inv. 7335. 11L’inscription manuscrite du XVIIe siècle « Ritratto del Ciartres » qui se lit au dos de la toile originelle pourrait renforcer cette hypothèse. Différentes voix se sont élevées parmi les spécialistes en faveur d’une attribution à un maître italien, dont celles de Pierre Rosenberg et Mina Gregori (voir le catalogue de la vente de 2005). Gregori a établi une comparaison avec l’œuvre caravagesque du « Maestro dei Giocatori » (actif vers 1620-1640), qu’il ne faut pas confondre avec le peintre français surnommé le Maître des Jeux. Emmanuel Coquery n’exclut pas qu’il s’agisse d’un artiste italien, ou peut-être d’un Nordique ayant travaillé en Italie (correspondance, 12 janvier 2024). 12Vers 1634-1637, il semble avoir privilégié l’édition et la vente d’estampes. En 1634, Langlois est assermenté comme maître libraire et, en 1637, il ouvrit sa boutique rue Saint-Jacques. Un indice de l’évolution des activités commerciales de Langlois est le fait qu’en 1637, il chargea Claude Mellan (1598–1688) de reprendre ses services pour le comte d’Arundel ; lettre de Claude Mellan à Langlois, datée « Carnaval 1637 », citée par Mariette ; voir Charles-Philippe de Chennevières et Anatole de Montaiglon (dir.), Abecedario de P. J. Mariette et autres notes inédites de cet amateur sur les arts et les artistes, Paris, 1862, vol. III, p. 349-350 ; Préaud et al. 1987, op. cit. (note 4), p. 192-193. 13Voir par exemple le portrait de Lucas van Uffel par Van Dyck (vers 1622, New York, The Metropolitan Museum of Art, inv. 14.40.619) ou le Portrait d’un collectionneur (Bartolomeo della Nave) par Jacopo Palma il Giovane, vers 1595-1600 (Birmingham, Birmingham Museum and Art Gallery, inv. 1961P48). Pour une analyse des portraits de collectionneurs, voir Linda Borean, « Ritratti di collezionisti a Venezia tra secondo Cinquecento e prima metà del Seicento. Alcune considerazioni », Artibus et Historiae, vol. LXVIII, 2013, p. 105-119. 14Lettre de Jacques Stella à François Langlois, Rome, 19 février 1633 (inv. 6910) ; lettres de Claude Mellan à François Langlois, l’une s.l.n.d. et l’autre de Rome, 20 juin 1635 (inv. 8177a/c). Stella accompagna sa lettre de l’esquisse humoristique d’une cornemuse bouillonnant sur un feu d’où s’élèvent des notes de musique en forme de verres à vin et de brûle-gueules. Pour le portrait de Van Dyck et l’esquisse qui le précède, voir supra et note 7.
Entouré d’objets d’art soigneusement choisis, l’éditeur d’estampes et marchand d’art François Langlois, dit Ciartres (1588–1647), se présente au spectateur1. S’adressant à lui comme à un client potentiel, Langlois déroule une peinture à son intention2. De nombreuses toiles sont appuyées contre le mur. Un paquet d’estampes noué par un ruban, des dessins à la sanguine, une partition de musique et une sourdeline sont dispersés sur la table3. Cette mise en scène donne une image pour le moins pittoresque de l’un des personnages les plus importants de l’art français du XVIIe siècle. Grand voyageur, Langlois s’était constitué un réseau international de peintres, graveurs, collectionneurs et marchands de premier plan en France, en Italie, en Angleterre et aux Pays-Bas4. Avec Claude Vignon (1593–1670), il importa dans les années 1620 de très nombreux tableaux d’Italie5. Dans son magasin « Aux Colonnes d’Hercule », situé rue Saint-Jacques à Paris, Langlois vendait aussi un large choix d’estampes de maîtres italiens et hollandais, ou exécutées d’après leurs dessins, et il publia l’œuvre des plus grands graveurs français de son temps, tels qu’Abraham Bosse (vers 1602/1604–1676), François Collignon (vers 1609–1687) et Pierre Brebiette (1598–vers 1650)6. Les différents portraits que Claude Vignon et Anthony van Dyck (1599–1641) réalisèrent de Langlois sont une preuve tangible des relations professionnelles et amicales de ce dernier7. L’identité de l’auteur de notre tableau n’a pas encore été établie8. Une ancienne attribution à Claude Vignon ne peut être retenue9. L’exécution du portrait ne correspond pas non plus à la manière des peintres hollandais de l’époque, quoiqu’elle réserve une large part à la nature morte très réaliste10. Enfin, le clair-obscur caravagesque très marqué n’exclut aucunement une origine italienne11. D’un point de vue stylistique, et si l’on en juge par l’âge supposé du modèle, une date d’exécution autour de 1630-1635 pourrait être retenue. À cette époque, Langlois, après des années de voyage, s’était installé à Paris. Le nombre de toiles et d’objets antiques représentés sur notre tableau suggère que le commerce d’art constituait encore une part non négligeable de son activité à l’époque12. Tout à fait exceptionnelle, cette image d’un marchand d’art saisi dans son environnement professionnel s’apparente davantage aux portraits de collectionneurs entourés d’un ensemble d’objets de valeur qu’ils chérissent13. La personnalité de François Langlois, tant admirée par Frits Lugt, est présente de toutes sortes de façons dans la collection de la Fondation Custodia. Lugt acquit la virtuose esquisse de Van Dyck pour son célèbre Portrait de François Langlois en Savoyard, ainsi que des lettres de Jacques Stella (1596–1657) et de Claude Mellan (1598–1688) adressées à l’éditeur d’estampes14. Après une première tentative de Mària van Berge-Gerbaud, Ger Luijten réussit, peu de temps après son arrivée, à ajouter ce portrait capital à la collection. Saskia van Altena 1Ciartres était le surnom italianisant de Langlois, originaire de la région de Chartres. Il a été récemment établi que Langlois n’était pas né à Chartres mais à Bretoncelles ; voir Alain Bouzy, « François Langlois l’Européen, dit “Chartres” et “Ciartres”. Un éditeur qui fit rayonner le nom de Chartres au XVIIe siècle », Cahiers de la société archéologique d’Eure-et-Loir, vol. VIII, 2022, p. 49-51. 2Le tableau offre un aperçu intéressant de la manière dont les toiles peintes étaient conservées au XVIIe siècle, à savoir en rouleaux. L’inventaire après décès de Langlois, dressé à l’occasion du second mariage de son épouse Madeleine de Colmont, recense plus de 140 tableaux, dont la moitié sans cadre et plusieurs sans châssis ; voir son inventaire après décès, 22 avril 1655, Archives nationales, MC/ET/LXXXV/166. L’inventaire a été étudié pour la première fois par Roger-Armand Weigert, Inventaire du fonds français. Graveurs du XVIIe siècle, vol. VI, 1973, p. 286-299. Quelques fragments ont été transcrits et publiés par Robert Froté, « De François Langlois à Pierre II Mariette. Étude d’inventaires inédits ou le commerce de l’estampe à Paris de Callot à Watteau », Gazette des beaux-arts, vol. CII, 1983, p. 111-120. Le document complet a été récemment transcrit par Maxime Préaud (à paraître). 3La sourdeline est une variante de la cornemuse développée en Italie au XVIe siècle. Cet instrument savant et coûteux était réservé à l’élite et destiné à la musique de chambre. Dans les portraits par Vignon et Van Dyck (voir note 7), Langlois joue d’une musette, une autre variante sophistiquée de la cornemuse. Pour ces différents types d’instruments, voir Laurence Libin, « Le portrait de François Langlois par Claude Vignon », Musique, images, instruments. Revue française d’organologie et d’iconographie musicale, vol. V, 2003, p. 158-164. 4Lorsqu’il reçut son titre de maître libraire, en avril 1634, Langlois déclara avoir « esté absent de Paris l’espace de plus de vingt années pendant lesquelles il auroit continué l’exercice de la librairie tant en Espagne qu’en Italie et autres lieux » ; voir Marianne Grivel, Le Commerce de l’estampe à Paris au XVIIe siècle. Histoire et civilisation du Livre, vol. XVI, 1986, p. 330. Langlois fut apprenti chez l’éditeur François Baglier à Rome en 1613-1614. Sa présence est également signalée en Italie en 1621, 1625 et 1633. Outre Rome, il aurait visité Gênes et Florence ; voir Jacques Bousquet, Recherches sur le séjour des peintres français à Rome au XVIIe siècle, Montpellier, 1980, p. 204. Au cours de ces voyages, il fit probablement la connaissance de Claude Vignon, Anthony van Dyck, Stefano della Bella (1610–1664) et François Collignon, notamment. En 1635, Langlois était en Angleterre, où il vendit des dessins à Thomas Howard, comte d’Arundel (1585–1646) et au roi Charles Ier (r. 1625–1649) ; voir Grivel 1986, op. cit., p. 80-81 ; et Maxime Préaud et al., Dictionnaire des éditeurs d’estampes à Paris sous l’Ancien Régime, Paris, 1987, p. 191-193. 5Voir Paola Pacht Bassani, Claude Vignon (1593-1670), Paris, 1992, p. 96-98. 6Sur le fonds Langlois et son importance dans le commerce de l’estampe française contemporaine, voir Grivel 1986, op. cit. (note 4), p. 175-178. En ce qui concerne le commerce d’estampes de Rembrandt par Langlois, voir Jaco Rutgers, « Stefano della Bella en Rembrandt. De Franse connectie », De Kroniek van het Rembrandthuis, 2004, n° 1-2, p. 17-27. Voir aussi le cat. 73. 7Claude Vignon, Portrait de François Langlois (également connu sous le nom de Joueur de cornemuse), vers 1620-1625, Wellesley (Mass.), Wellesley College, Davis Museum and Cultural Centre, prêt de longue durée d’une collection particulière. Van Dyck réalisa un portrait de Langlois, jouant également de la musette, vers 1636 ou peut-être en 1641, en deux exemplaires. Une version est restée en sa possession, l’autre était destinée à Langlois. La première est conservée conjointement à la National Gallery de Londres et au Barber Institute of Fine Arts à Birmingham (inv. NG6567), la seconde dans une collection particulière en Amérique du Nord. Un dessin préparatoire, exécuté à la pierre noire avec rehauts de craie blanche, se trouve à Paris, dans la collection de la Fondation Custodia (inv. 2350). Pour les portraits, voir Stijn Alsteens et Adam Eaker, Van Dyck. The Anatomy of Portraiture, cat. exp. New York (The Frick Collection), 2016, p. 250-253. 8Les documents d’archives ne sont pas concluants. L’inventaire après décès de Langlois en 1655 (voir note 2) fait peut-être référence à des portraits de lui : « 2 tableaux, un sur toile, l’autre [effacé], deux portraits d’homme avec des flûtes, prisés 32 l ». En 1664, dans l’inventaire de sa veuve, Madeleine de Colmont, deux portraits sont mentionnés : « 2 portraits de feu Monsieur Langlois ; peints l’un par Vignon, l’autre par [laissé en blanc], prisés les deux 30 l. » ; voir Froté 1953, op. cit. (note 2), p. 116. L’inventaire de Claude Vignon de 1670 contenait également un « Portrait de Chiartres » ; voir Georges Wildenstein, « Deux inventaires de l’atelier de Claude Vignon », Gazette des beaux-arts, vol. XLIX, 1957, p. 183-192. 9L’attribution à Claude Vignon par les marchands Clovis Whitfield et Guy Rochat est corroborée par Arnauld Brejon de Lavergnée (correspondance, 18 janvier 2024, documentation de la Fondation Custodia, comme les correspondances citées à la suite). Elle est cependant rejetée par Paola Pacht Bassani (correspondance avec Hans Buijs, 16 juin 2010), qui est soutenue en cela par Claudia Salvi (correspondance, 15 avril 2012) et Corentin Dury (correspondance, 11 janvier 2024), Keith Christiansen et Sylvain Laveissière (correspondance de Guy Rochat à Cécile Tainturier, 24 janvier 2012), notamment. Les œuvres d’artistes français contemporains de Langlois influencés par les maîtres hollandais, comme les frères Le Nain ou le Maître des Jeux, ne présentent pas de parenté convaincante avec notre peinture. Je remercie également Cécile Tainturier et Hans Buijs pour leur aide dans la rédaction de cette notice, ainsi que Véronique Damian, Corentin Dury, Barbara Brejon de Lavergnée, Elvire de Maintenant et Dimitri Salmon pour leur expertise. 10À titre de comparaison, on pourra consulter par exemple la Vanité avec autoportrait (1651) de David Bailly (1584–1657) conservée à Leyde, musée De Lakenhal (inv. S 1351) ou la Conversation entre un artiste et un connaisseur de Pieter Codde (1599–1678) conservée à Paris, Fondation Custodia, inv. 7335. 11L’inscription manuscrite du XVIIe siècle « Ritratto del Ciartres » qui se lit au dos de la toile originelle pourrait renforcer cette hypothèse. Différentes voix se sont élevées parmi les spécialistes en faveur d’une attribution à un maître italien, dont celles de Pierre Rosenberg et Mina Gregori (voir le catalogue de la vente de 2005). Gregori a établi une comparaison avec l’œuvre caravagesque du « Maestro dei Giocatori » (actif vers 1620-1640), qu’il ne faut pas confondre avec le peintre français surnommé le Maître des Jeux. Emmanuel Coquery n’exclut pas qu’il s’agisse d’un artiste italien, ou peut-être d’un Nordique ayant travaillé en Italie (correspondance, 12 janvier 2024). 12Vers 1634-1637, il semble avoir privilégié l’édition et la vente d’estampes. En 1634, Langlois est assermenté comme maître libraire et, en 1637, il ouvrit sa boutique rue Saint-Jacques. Un indice de l’évolution des activités commerciales de Langlois est le fait qu’en 1637, il chargea Claude Mellan (1598–1688) de reprendre ses services pour le comte d’Arundel ; lettre de Claude Mellan à Langlois, datée « Carnaval 1637 », citée par Mariette ; voir Charles-Philippe de Chennevières et Anatole de Montaiglon (dir.), Abecedario de P. J. Mariette et autres notes inédites de cet amateur sur les arts et les artistes, Paris, 1862, vol. III, p. 349-350 ; Préaud et al. 1987, op. cit. (note 4), p. 192-193. 13Voir par exemple le portrait de Lucas van Uffel par Van Dyck (vers 1622, New York, The Metropolitan Museum of Art, inv. 14.40.619) ou le Portrait d’un collectionneur (Bartolomeo della Nave) par Jacopo Palma il Giovane, vers 1595-1600 (Birmingham, Birmingham Museum and Art Gallery, inv. 1961P48). Pour une analyse des portraits de collectionneurs, voir Linda Borean, « Ritratti di collezionisti a Venezia tra secondo Cinquecento e prima metà del Seicento. Alcune considerazioni », Artibus et Historiae, vol. LXVIII, 2013, p. 105-119. 14Lettre de Jacques Stella à François Langlois, Rome, 19 février 1633 (inv. 6910) ; lettres de Claude Mellan à François Langlois, l’une s.l.n.d. et l’autre de Rome, 20 juin 1635 (inv. 8177a/c). Stella accompagna sa lettre de l’esquisse humoristique d’une cornemuse bouillonnant sur un feu d’où s’élèvent des notes de musique en forme de verres à vin et de brûle-gueules. Pour le portrait de Van Dyck et l’esquisse qui le précède, voir supra et note 7.