Accueil Catalogues en ligne Un œil passionné. Douze ans d’acquisitions de Ger Luijten 69. Johannes Lutma II Amsterdam 1624 – 1689 Amsterdam Autoportrait de l’artiste dessinant, vers 1650 Johannes Lutma I (1587–1669), orfèvre originaire d’Emden, ville portuaire du Nord-Ouest de l’Allemagne, s’installa à Amsterdam dès 1621. Il s’y lia probablement d’amitié avec Rembrandt, qui grava son portrait en 16561. Son fils aîné Johannes Lutma II a sans doute exercé, lui aussi, une activité d’orfèvre. Cependant, on ne connaît de lui aucun objet d’argenterie, uniquement des médailles2. Dessinateur et graveur de talent, il utilisait ses outils d’orfèvre pour inciser la plaque de cuivre de petits pointillés dans une technique de gravure singulière, dite opus mallei (gravure au marteau). Les effets obtenus par cette méthode de gravure en criblé, surtout utilisée par les orfèvres, s’apparentent aux variations de tons des dessins au lavis3. Cet Autoportrait de l’artiste dessinant, dont les tirages sont extrêmement rares, n’a pas été exécuté dans cette technique, mais soigneusement tracé dans la couche de vernis sur la plaque de cuivre avec un stylet très fin. Il présente le jeune artiste assis à une table, le visage éclairé par une source lumineuse cachée au spectateur. Le jeu de la lumière sur le bout de son nez, le bord du chapeau, et surtout autour des yeux est rendu avec vraisemblance par de petits points et des traits qui révèlent la méthode de travail de l’orfèvre. Après l’impression, l’artiste a retravaillé sa composition au graphite afin de souligner les effets de clair-obscur, fonçant les parties ombrées telles que le côté gauche du visage ou l’épaule et le bras gauches. Des corrections sont également visibles sur l’écharpe et le côté droit du chapeau. Ces modifications dessinées ont en partie été retranscrites par l’artiste sur la plaque de cuivre et apparaissent sur le second état de l’estampe4. L’influence de Rembrandt est visible tant dans l’exécution que dans le choix iconographique de l’œuvre. Celle-ci renvoie au célèbre Autoportrait gravant près d’une fenêtre exécuté par le maître en 16485. Si aucun document n’atteste que Lutma ait été en apprentissage auprès de Rembrandt, il connaissait sans aucun doute l’œuvre du maître grâce à son père6. Il se représente ici en habile dessinateur, se regardant avec assurance dans le miroir. À la différence de l’autoportrait de Samuel van Hoogstraten (1627–1678), élève de Rembrandt (1606–1669 ; voir cat. 13), cette gravure n’est pas un exercice de dessin, mais une œuvre d’art indépendante qui offre à voir au public les talents d’artiste de Lutma. Marleen Ram 1Paris, Fondation Custodia, inv. 1285 (eau-forte, burin et pointe sèche, sur papier japonais, 196 × 150 mm) ; Erik Hinterding, Rembrandt Etchings from the Frits Lugt Collection, Bussum, 2008, vol. I, p. 492-494, n° 204, repr., vol. II, p. 228. 2Peter Schatborn, Dutch Figure Drawings from the Seventeenth Century, cat. exp. Amsterdam (Rijksmuseum), Washington (National Gallery of Art), 1982, p. 66 ; Dirk Jan Biemond, « Historiestukken in zilver : penningen van Johannes Lutma junior », Oud Holland, vol. CXXVII, 2014, nos 2/3, p. 116-154. 3Clifford S. Ackley, Printmaking in the Age of Rembrandt, cat. exp. Boston (Museum of Fine Arts), Saint Louis, (Saint Louis Art Museum), 1981, p. 280-281. 4Des impressions de cet état plus tardif, avec la plaque de cuivre rognée dans le bas et des traces d’usure sur l’ensemble de la surface, se trouvent à Amsterdam, Rijksmuseum, inv. RP-P-1889-A-15064 et Londres, The British Museum, inv. 1843,0513.529. 5Paris, Fondation Custodia, inv. 4087 (eau-forte et pointe-sèche, sur papier japonais, 158 × 128 mm). 6D’après son inventaire, Lutma possédait plusieurs peintures de Rembrandt ; Abraham Bredius, « De nalatenschap van Joannes Lutma (den Jongen) », Oud-Holland, vol. XXX, 1912, n° 4, p. 219-222.
Johannes Lutma I (1587–1669), orfèvre originaire d’Emden, ville portuaire du Nord-Ouest de l’Allemagne, s’installa à Amsterdam dès 1621. Il s’y lia probablement d’amitié avec Rembrandt, qui grava son portrait en 16561. Son fils aîné Johannes Lutma II a sans doute exercé, lui aussi, une activité d’orfèvre. Cependant, on ne connaît de lui aucun objet d’argenterie, uniquement des médailles2. Dessinateur et graveur de talent, il utilisait ses outils d’orfèvre pour inciser la plaque de cuivre de petits pointillés dans une technique de gravure singulière, dite opus mallei (gravure au marteau). Les effets obtenus par cette méthode de gravure en criblé, surtout utilisée par les orfèvres, s’apparentent aux variations de tons des dessins au lavis3. Cet Autoportrait de l’artiste dessinant, dont les tirages sont extrêmement rares, n’a pas été exécuté dans cette technique, mais soigneusement tracé dans la couche de vernis sur la plaque de cuivre avec un stylet très fin. Il présente le jeune artiste assis à une table, le visage éclairé par une source lumineuse cachée au spectateur. Le jeu de la lumière sur le bout de son nez, le bord du chapeau, et surtout autour des yeux est rendu avec vraisemblance par de petits points et des traits qui révèlent la méthode de travail de l’orfèvre. Après l’impression, l’artiste a retravaillé sa composition au graphite afin de souligner les effets de clair-obscur, fonçant les parties ombrées telles que le côté gauche du visage ou l’épaule et le bras gauches. Des corrections sont également visibles sur l’écharpe et le côté droit du chapeau. Ces modifications dessinées ont en partie été retranscrites par l’artiste sur la plaque de cuivre et apparaissent sur le second état de l’estampe4. L’influence de Rembrandt est visible tant dans l’exécution que dans le choix iconographique de l’œuvre. Celle-ci renvoie au célèbre Autoportrait gravant près d’une fenêtre exécuté par le maître en 16485. Si aucun document n’atteste que Lutma ait été en apprentissage auprès de Rembrandt, il connaissait sans aucun doute l’œuvre du maître grâce à son père6. Il se représente ici en habile dessinateur, se regardant avec assurance dans le miroir. À la différence de l’autoportrait de Samuel van Hoogstraten (1627–1678), élève de Rembrandt (1606–1669 ; voir cat. 13), cette gravure n’est pas un exercice de dessin, mais une œuvre d’art indépendante qui offre à voir au public les talents d’artiste de Lutma. Marleen Ram 1Paris, Fondation Custodia, inv. 1285 (eau-forte, burin et pointe sèche, sur papier japonais, 196 × 150 mm) ; Erik Hinterding, Rembrandt Etchings from the Frits Lugt Collection, Bussum, 2008, vol. I, p. 492-494, n° 204, repr., vol. II, p. 228. 2Peter Schatborn, Dutch Figure Drawings from the Seventeenth Century, cat. exp. Amsterdam (Rijksmuseum), Washington (National Gallery of Art), 1982, p. 66 ; Dirk Jan Biemond, « Historiestukken in zilver : penningen van Johannes Lutma junior », Oud Holland, vol. CXXVII, 2014, nos 2/3, p. 116-154. 3Clifford S. Ackley, Printmaking in the Age of Rembrandt, cat. exp. Boston (Museum of Fine Arts), Saint Louis, (Saint Louis Art Museum), 1981, p. 280-281. 4Des impressions de cet état plus tardif, avec la plaque de cuivre rognée dans le bas et des traces d’usure sur l’ensemble de la surface, se trouvent à Amsterdam, Rijksmuseum, inv. RP-P-1889-A-15064 et Londres, The British Museum, inv. 1843,0513.529. 5Paris, Fondation Custodia, inv. 4087 (eau-forte et pointe-sèche, sur papier japonais, 158 × 128 mm). 6D’après son inventaire, Lutma possédait plusieurs peintures de Rembrandt ; Abraham Bredius, « De nalatenschap van Joannes Lutma (den Jongen) », Oud-Holland, vol. XXX, 1912, n° 4, p. 219-222.