Accueil Catalogues en ligne Enfants du Siècle d’or 23. Jacques de Gheyn II Anvers 1565 – 1629 La Haye Un portrait de famille L’utilisation virtuose de la plume de Jacques de Gheyn II fait de lui, encore aujourd’hui, un dessinateur très apprécié. Il est vrai que l’élève de Hendrick Goltzius (1558-1617) maniait comme personne cet instrument, parcimonieusement ou généreusement, le laissant virevolter au gré de sa fantaisie. Son œuvre plus tardif est souvent moins stylisé et gracieux, les traits y apparaissent un peu agités1. Notre feuille ne présente déjà plus ces lignes fluides, qui enflent puis rétrécissent à nouveau. De Gheyn a hachuré dans de nombreuses directions. Il a rempli tout l’arrière-plan de traits répétitifs et fait en sorte que les figures s’en détachent en utilisant la réserve. À certains endroits, une touche de pinceau vient soutenir le modelé des trois figures. Il est exceptionnel que De Gheyn ait portraituré pas moins de trois personnages dans une même composition2. Les dizaines de portraits que nous connaissons de sa main – en particulier ceux de petit format exécutés à la pointe de métal – représentent seulement une personne. C’est peut-être ce qui donne à cette scène son caractère quelque peu incohérent et nous font noter la maladresse de l’artiste dans le portrait de groupe. Il manque un élément qui relie les trois figures. La femme est assise sur une chaise, comme si elle posait pour son propre portrait. L’homme est tourné dans sa direction, dans une attitude qui anticipe la liberté des figures de Frans Hals (1582/1583-1666)3, mais semble regarder derrière elle. Le jeune homme de droite, qui a ôté son chapeau, est le seul personnage à regarder le spectateur et donne ainsi l’impression d’être l’artiste lui-même. Bien que leurs relations mutuelles ne soient pas évidentes à établir, il pourrait s’agir d’un père, d’une mère et de leur fils. Des auteurs précédents ont estimé que Jacques de Gheyn II se serait représenté lui-même en compagnie de ses parents (à titre posthume)4, ou dans le rôle du père, entouré de son épouse Eva Stalpaert van der Wielen et de leur fils Jacques de Gheyn III (vers 1596-1641)5. Il est aussi possible que ce portrait de famille représente Christiaan Huygens (1551-1624), sa femme Suzanne Huygens-Hoefnagel (1561-1633) et leur fils aîné Maurits Huygens (1595-1624)6. De Gheyn connaissait la famille de Christiaan originaire de La Haye et avait été sollicité (sans succès) par le secrétaire du stathouder pour enseigner le dessin à ses fils. La mise au carreau de la feuille était probablement destinée à reporter la composition dans un tableau aujourd’hui disparu, pour peu qu’il ait été exécuté. MvS 1« Charakteristisch für viele Arbeiten de Gheyns, besonders seine spätem, ist überhaupt die Verselbständigung schnell hingeworfener, nicht aufsetzender Federstriche, die in parallelen Schwüngen breit über das Papier geführt sind », voir cat. exp. Munich 1989-1990, n° 28, p. 36. 2Une autre feuille représente trois figures ; il s’agit du Portrait de Johan Halling au Rijksmuseum, Amsterdam (inv. RP-T-1957-257), mais la femme et l’enfant pourraient être un ajout ultérieur, voir Karel G. Boon, Netherlandish Drawings of the Fifteenth and Sixteenth Centuries, La Haye, Government Publishing Office, 1978, n° 223. 3Van Regteren Altena 1983, p. 106. 4Jacques de Gheyn I (1537-1581) et Cornelia (?). 5Van Regteren Altena 1983, p. 106. 6Boon 1992, p. 175.
L’utilisation virtuose de la plume de Jacques de Gheyn II fait de lui, encore aujourd’hui, un dessinateur très apprécié. Il est vrai que l’élève de Hendrick Goltzius (1558-1617) maniait comme personne cet instrument, parcimonieusement ou généreusement, le laissant virevolter au gré de sa fantaisie. Son œuvre plus tardif est souvent moins stylisé et gracieux, les traits y apparaissent un peu agités1. Notre feuille ne présente déjà plus ces lignes fluides, qui enflent puis rétrécissent à nouveau. De Gheyn a hachuré dans de nombreuses directions. Il a rempli tout l’arrière-plan de traits répétitifs et fait en sorte que les figures s’en détachent en utilisant la réserve. À certains endroits, une touche de pinceau vient soutenir le modelé des trois figures. Il est exceptionnel que De Gheyn ait portraituré pas moins de trois personnages dans une même composition2. Les dizaines de portraits que nous connaissons de sa main – en particulier ceux de petit format exécutés à la pointe de métal – représentent seulement une personne. C’est peut-être ce qui donne à cette scène son caractère quelque peu incohérent et nous font noter la maladresse de l’artiste dans le portrait de groupe. Il manque un élément qui relie les trois figures. La femme est assise sur une chaise, comme si elle posait pour son propre portrait. L’homme est tourné dans sa direction, dans une attitude qui anticipe la liberté des figures de Frans Hals (1582/1583-1666)3, mais semble regarder derrière elle. Le jeune homme de droite, qui a ôté son chapeau, est le seul personnage à regarder le spectateur et donne ainsi l’impression d’être l’artiste lui-même. Bien que leurs relations mutuelles ne soient pas évidentes à établir, il pourrait s’agir d’un père, d’une mère et de leur fils. Des auteurs précédents ont estimé que Jacques de Gheyn II se serait représenté lui-même en compagnie de ses parents (à titre posthume)4, ou dans le rôle du père, entouré de son épouse Eva Stalpaert van der Wielen et de leur fils Jacques de Gheyn III (vers 1596-1641)5. Il est aussi possible que ce portrait de famille représente Christiaan Huygens (1551-1624), sa femme Suzanne Huygens-Hoefnagel (1561-1633) et leur fils aîné Maurits Huygens (1595-1624)6. De Gheyn connaissait la famille de Christiaan originaire de La Haye et avait été sollicité (sans succès) par le secrétaire du stathouder pour enseigner le dessin à ses fils. La mise au carreau de la feuille était probablement destinée à reporter la composition dans un tableau aujourd’hui disparu, pour peu qu’il ait été exécuté. MvS 1« Charakteristisch für viele Arbeiten de Gheyns, besonders seine spätem, ist überhaupt die Verselbständigung schnell hingeworfener, nicht aufsetzender Federstriche, die in parallelen Schwüngen breit über das Papier geführt sind », voir cat. exp. Munich 1989-1990, n° 28, p. 36. 2Une autre feuille représente trois figures ; il s’agit du Portrait de Johan Halling au Rijksmuseum, Amsterdam (inv. RP-T-1957-257), mais la femme et l’enfant pourraient être un ajout ultérieur, voir Karel G. Boon, Netherlandish Drawings of the Fifteenth and Sixteenth Centuries, La Haye, Government Publishing Office, 1978, n° 223. 3Van Regteren Altena 1983, p. 106. 4Jacques de Gheyn I (1537-1581) et Cornelia (?). 5Van Regteren Altena 1983, p. 106. 6Boon 1992, p. 175.