La vitrine des acquisitions

Hiver 2021

Régulièrement, la vitrine du vestibule de l’hôtel Turgot se garnit d’une nouvelle sélection parmi les œuvres les plus récemment acquises par la Fondation Custodia. Guidé par l’inspiration du moment, ce choix part souvent d’un sentiment particulier pour une œuvre et se développe dans la volonté de raconter une histoire autour et avec elle. Comme dans une véritable petite exposition, les œuvres réunies se lancent alors dans un dialogue visuel, iconographique, technique, temporel, ou tout cela à la fois.

  • Jean-Jacques Flipart (1719-1782), d'après Jean-Baptiste Greuze (1725-1805), {Portrait de Jean-Baptiste Greuze}, 1763
    Jean-Jacques Flipart (1719-1782), d’après Jean-Baptiste Greuze (1725-1805), Portrait de Jean-Baptiste Greuze, 1763
    Eau-forte, premier état, 207 × 143 mm (planche)
    Fondation Custodia, Collection Frits Lugt, Paris, inv. 2021-P.25
  • Jean-Jacques Flipart (1719-1782), d'après Jean-Baptiste Greuze (1725-1805), {Portrait de Jean-Baptiste Greuze}, 1763
    Jean-Jacques Flipart (1719-1782), d’après Jean-Baptiste Greuze (1725-1805), Portrait de Jean-Baptiste Greuze, 1763
    Eau-forte, second état, 207 × 143 mm (planche)
    Fondation Custodia, Collection Frits Lugt, Paris, inv. 2021-P.26

Jean-Baptiste Greuze construisit sa renommée en peignant des scènes de genre à haute valeur morale, les élevant au rang de peinture d’histoire. Il excellait notamment à exprimer l’intensité des sentiments de ses figures. Mais ce portrait, représentation de Greuze la plus connue de son vivant, est toutefois empreint d’un certain sérieux. Il fut gravé par Jean-Jacques Flipart d’après un autoportrait dessiné par Greuze (Oxford, The Ashmolean Museum). La sévérité classique qui s’en dégage est accentuée par le profil strict et l’imitation d’un buste sculpté en bas-relief, se détachant sur un cadre en marbre. L’effet minéral, déjà suggéré dans le premier état de la gravure, est renforcé dans le second et dernier état de l’œuvre, tous deux présentés ici : la matérialité de la pierre, ses éclats et ses défauts, sa rigueur, sont savamment traduits par Flipart.

Bartolomeo (1757-1834) et Pietro Paoletti (1801-1847), {Il Museo di Parigi}
Bartolomeo (1757-1834) et Pietro Paoletti (1801-1847), Il Museo di Parigi
Empreintes d’intailles et de camées
Fondation Custodia, Collection Frits Lugt, Paris, inv. 2018-OB.4

L’évocation sculpturale et minérale de ces estampes répond à un autre objet de la vitrine, sans doute bien moins attendu dans les collections de la Fondation Custodia. Cet étrange livre – en réalité une boîte – renferme des empreintes d’intailles et de camées. Ces pierres fines très précieusement taillées en creux (intailles) ou en relief (camées) étaient admirées et convoitées depuis l’Antiquité. Cet engouement atteint son apogée avec le néoclassicisme à Rome. Des ateliers – dont l’un des plus reconnus à la fin du XVIIIe siècle était celui des Paoletti situé 49 Piazza di Spagna –, réalisaient des matrices en pâte vitreuse d’après les originaux conservés dans les plus fameuses collections. Ces matrices leur permettaient de produire en série les empreintes en scagliola (sorte de plâtre ou de stuc), destinées aux voyageurs, collectionneurs, artistes et autres amateurs de passage à Rome. Ces derniers repartaient avec ces volumes qu’ils disposaient dans leur bibliothèque comme de véritables catalogues, illustrés et en relief, reproduisant des œuvres antiques ou modernes célèbres. Parmi les 12 volumes de la Fondation Custodia consacrés aux hommes illustres, aux œuvres de Thorvaldsen ou de Canova ou encore aux grandes collections italiennes, celui-ci reproduit des sculptures antiques du « Museo di Parigi », le Louvre.

Charles François Sellier (1830-1882), {Fontaine dans la Campagne romaine}, vers 1859
Charles François Sellier (1830-1882), Fontaine dans la Campagne romaine, vers 1859
Huile sur papier, sur carton, 11,4 × 29,3 cm
Fondation Custodia, Collection Frits Lugt, Paris, inv. 2021-S.60

La minéralité de ces petites œuvres en réduction fait à son tour écho à la pierre qui compose la fontaine peinte par Charles François Sellier dans la campagne romaine. Originaire de Nancy, Sellier fut reconnu de son vivant pour ses portraits. Mais comme de nombreux pensionnaires de l’Académie de France à Rome, il se confronta également au paysage pendant son séjour italien entre 1857 et 1863. Réalisant de petites huiles en plein air, il développa une sensibilité très personnelle dans le jeu entre la matérialité picturale et celle du support, parfois laissé en réserve. Par le caractère brut et presque mat de son esquisse, Sellier exprime pleinement l’aspect minéral du paysage et de la fontaine.