Lettres d’artistes acquises

Les deux ventes Aristophil à Paris, les 1er et 2 avril derniers, ont fourni l’occasion d’enrichir la collection d’autographes d’artistes de la Fondation Custodia avec plusieurs pièces importantes.

La récolte inclut des lettres de Greuze, Ingres (au graveur Luigi Calamatta, au sujet de la gravure du Vœu de Louis XIII), Géricault, Delacroix (lettre de jeunesse à son ami Félix Guillemardet), Degas (à son ami le sculpteur Albert Bartholomé), Manet (à Jules Guillaumet, portraituré par l’artiste, avec sa femme, dans le tableau Dans la serre, aujourd’hui à Berlin, Staatliche Museen), Matisse (à un ami d’atelier, probablement Jean Puy), un ensemble important de missives de Millet adressées à ses filles et une série de huit lettres de Kandinsky à un collectionneur néerlandais.

1. Théodore Géricault, lettre à Pierre-Joseph Dedreux-Dorcy
Londres, 12 février [1821]
Photo Artcurial

Le corpus des lettres de Théodore Géricault (1791-1824) ne comprend qu’une cinquantaine de pièces et la Fondation s’était félicitée quand elle avait finalement pu, dans un passé récent, mettre la main sur deux de ses écrits rarissimes. Ces manuscrits se trouveront désormais accompagnés par la longue lettre que l’artiste adressa lors de son second séjour à Londres en 1821 à son ami le peintre Pierre-Joseph Dedreux-Dorcy et dans laquelle il évoque sa pratique assidue de la lithographie et sa passion pour le thème du cheval, mais aussi une nouvelle conquête amoureuse et la maladie qui aura, trois ans plus tard, raison de lui (ill. 1).

2. Vassily Kandinsky, lettre à Hendrik van Assendelft
3 octobre 1913
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Treize lettres et cartes postales de Vassily Kandinsky (1866-1944) au pasteur néerlandais Hendrik van Assendelft, collectionneur de l’avant-garde de son temps, avaient été vendues à Berne en 1968, réparties sur plusieurs lots dont la Fondation n’avait pu s’emparer que de deux.

La série se trouve désormais reconstituée, car les lettres tout juste acquises sont exactement celles comprises dans les lots qui avaient échappé à Carlos van Hasselt, directeur de l’époque, il y a cinquante ans (ill. 2). Van Assendelft est surtout connu en tant qu’admirateur précoce de Mondrian, dont il possédait plusieurs œuvres et avec qui il échangeait des lettres qui ont été dispersées à la même vente suisse de 1968. Tandis que plusieurs spécimens de cette correspondance ont été acquis entretemps par la Fondation – se rajoutant au magnifique fonds d’une centaine de lettres adressées par Mondrian à l’architecte rotterdamois J. J. P. Oud –, le lot de six lettres et cartes vendu le 2 avril dernier a pu être acheté par l’Institut néerlandais d’histoire de l’art (RKD) à La Haye qui conserve également un grand fonds Mondrian et prépare l’édition complète de sa correspondance.

Tout aussi précieuses pour la collection sont deux pièces plus anciennes qui viennent rejoindre l’ensemble exceptionnel de documents des époques Renaissance et Baroque rassemblé par Frits Lugt : un solde de fin de travaux pour la décoration de la Casa Pannini à Cento (aujourd’hui en partie réunie à la Pinacoteca Civica de cette ville), rédigé en 1617 par le superviseur du chantier, le peintre en quadratura Pier Francesco Battistelli (mort en 1625), et signé par le Guerchin (1591-1666) – dont c’était l’un des premiers grands projets – et son disciple Lorenzo Gennari (ill. 3), ainsi qu’une lettre de Pietro da Cortona (1596-1669) au collectionneur romain Cassiano dal Pozzo, grand mécène de Poussin, qui s’ajoute aux trois missives (des six connues) que la Fondation possédait déjà de cette correspondance (ill. 4).

  • 3. Pier Francesco Battistelli, Giovanni Battista Barbieri dit Guercino et Lorenzo Gennari, document
    9 juillet 1617
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  • 4. Pietro Berrettini dit Pietro da Cortona, lettre à Cassiano dal Pozzo
    Florence, 15 janvier 1645 (en fait, 1646)
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