Donation de Gerhard Greidanus

Deux esquisses des toits de Paris

par Pierre-Antoine Demachy (1723–1807) et Pierre-Antoine Mongin (1761–1827)

Ancien trésorier de la Fondation Custodia et grand admirateur de la maison, Gerhard Greidanus vient de faire une donation en souvenir de son amitié de plus de 60 ans avec Jan Maarten Boll.

De multiples raisons peuvent motiver la donation d’une œuvre d’art à une institution. Ce peut être par amour de l’œuvre et la volonté de la confier en de bonnes mains. Ce peut être aussi pour célébrer le souvenir d’une personne qui vous a été chère.

L’ancien trésorier de la Fondation Custodia, Gerhard Greidanus, a perdu il y a quelques semaines l’un de ses meilleurs amis. Ce départ imprévu de Jan Maarten Boll, président de la Vereniging Rembrandt (Association Rembrandt) aux Pays-Bas durant de longues années et proche de nombreux artistes contemporains, l’a profondément touché. Gerhard Greidanus a souhaité rendre hommage à ce grand amateur d’art en offrant à la Fondation Custodia deux esquisses préalablement choisies par la Fondation.

Pierre-Antoine Demachy (Paris 1723 – 1807 Paris), Nuages au-dessus des toits du Louvre, vers 1769–1785
Huile sur papier, contrecollé sur panneau. – 18,6 × 33 cm
Fondation Custodia, Collection Frits Lugt, Paris, don de Gerhard Greidanus, Amsterdam, en souvenir de son ami Jan Maarten Boll

L’une d’entre elles, provenant de la galerie Talabardon & Gautier, dépeint les toits du Louvre où résidaient certains artistes, parmi lesquels Pierre-Antoine Demachy entre 1769 et 1806. Le peintre représente ces logements surmontés de nuages stylisés comme on les voit dans les paysages du XVIIIe siècle. L’œuvre fut vraisemblablement exécutée avant 1784-1785, date à laquelle l’architecture des toits a été modifiée. Réalisée avec une palette très limitée sur un dessin sous-jacent simple et direct, on comprend avec cette huile sur papier comment les esquisses de Demachy lui servaient à la réalisation de ses tableaux.

Peut-on parler, déjà, de peinture de plein air ? Pas tout à fait, mais de peinture en regardant le plein air, à partir d’une fenêtre.

  • Pierre-Antoine Mongin (Paris 1761–1827 Versailles), Toits à Paris, 1823
    Huile sur papier, contrecollé sur toile. – 44,3 × 33,4 cm
    Fondation Custodia, Collection Frits Lugt, Paris, don de Gerhard Greidanus, Amsterdam, en souvenir de son ami Jan Maarten Boll
  • Pierre-Antoine Mongin (Paris 1761–1827 Versailles), Le Curieux, 1823
    Huile sur papier, contrecollé sur toile. – 43,5 × 34,6 cm
    The Cleveland Museum of Art, Gift of Mr. and Mrs. Noah L. Butkin 1977.116

La seconde œuvre est également une découverte récente, trouvée dans le sud de la France par le marchand parisien Stéphane Rouvet. C’est une vue des toits de Paris, très vraisemblablement à côté du Louvre. Stéphane Rouvet a pu l’identifier et l’attribuer à Pierre-Antoine Mongin dont on connaît le tableau émanant de notre esquisse, Le Curieux, exposé au Salon en 1823, et aujourd’hui conservé au Cleveland Museum of Art. Dans la version définitive de ce tableau, un garçon monte sur une échelle pour escalader le muret et se rendre dans la cour voisine de l’institution pour jeunes demoiselles dirigée par Mme Wachsam, selon l’inscription. Cette anecdote n’existe pas encore dans notre étude.

Jan Maarten Boll n’a jamais vu ces deux esquisses mais il les aurait certainement admirées. Il aimait observer les toits d’Amsterdam depuis le dernier étage entièrement vitré de la maison de ses amis Gerhard et Dineke Greidanus. Lors d’un séjour à Paris, où il possédait un pied-à-terre, il avait confié à Ger Luijten, directeur de la Fondation Custodia, depuis une fenêtre de l’hôtel Turgot : « Je comprends pourquoi les toits ont toujours inspiré les artistes et les photographes de la première heure, car leurs formes sont proto-abstraites. Si tu te mets à vraiment les contempler, tu peux te demander : quelles sont donc les vies qui se sont déroulées sous ces toits depuis des centaines années ? Dis-moi Ger, cela ne te fait-il pas rêver de l’imaginer ? »

Jan Maarten Boll (1942–2020) a œuvré tout au long de sa vie à la promotion et à la sauvegarde des œuvres d’art. C’est grâce à son action et à sa détermination que l’État néerlandais a décidé en 1998 d’acquérir pour le Kunstmuseum de La Haye le dernier tableau de Piet Mondrian (1872–1944), Victory Boogie Woogie. Il s’agissait à l’époque de l’un des achats publics les plus importants.

Jan Maarten Boll était également un collectionneur passionné. De son vivant, il a fait don d’une grande partie de ses collections aux musées néerlandais, afin de partager l’art qu’il appréciait avec un large public.

Vue des toits de Paris depuis l’appartement de Jan Maarten Boll et son épouse Pauline Kruseman