32. Adriaen van Ostade

Haarlem 1610 – 1685 Haarlem

Étude pour un portrait de famille, vers 1654

Lorsqu’en 1923 Frits Lugt a acquis le premier de ces trois dessins d’Adriaen van Ostade, il a noté sur sa fiche d’inventaire : « Il est remarquable qu’Ostade ait remanié à chaque fois la disposition des figures »1. Lugt connaissait donc déjà l’existence des autres versions – il se peut qu’il en ait vu une en 1919 chez Henry Oppenheimer (1859-1932)2 – et s’était manifestement souvenu que l’artiste de Haarlem avait changé dans chaque feuille le groupement des personnages. Mais ce n’est qu’en 1936 qu’il a disposé des trois dessins (voir cat. 33 et cat. 34) et pu examiner à la loupe les remaniements effectués par Ostade. En plaçant les trois feuilles les unes à côté des autres, on a l’impression de regarder par-dessus l’épaule de l’artiste et de l’accompagner dans sa recherche de la meilleure composition ; celle dans laquelle il voulait sans doute faire ressortir l’amour filial et familial, tout en préservant le caractère formel du portrait de famille. Le père et la mère sont toujours représentés plus ou moins au même emplacement et leurs postures demeurent inchangées. L’artiste a en revanche modifié la place des groupes d’enfants d’une feuille à l’autre et joué avec leurs interactions3.

L’existence même de ces trois études préparatoires montre qu’il n’est pas simple d’obtenir une composition avec la bonne dynamique entre les sujets portraiturés. La manière de dessiner le révèle tout aussi clairement. Van Ostade a d’abord mis en place les figures au moyen d’une abondance de tracés libres au graphite : rien de plus que l’indication globale de leur emplacement à l’intérieur de la composition. Il a ensuite repassé certaines de ces lignes à la plume et à l’encre pour cristalliser les différentes postures – tout en prenant en compte les différents âges des enfants. Dans une des feuilles, il est clairement visible que Van Ostade s’est parfois débattu avec cela ; le garçon au milieu a ainsi été dessiné (par-dessus la première tentative) avec une tête de plus pour qu’il soit « en harmonie » avec sa sœur placée à sa gauche, ou pour le rapprocher d’elle en âge4.

Le tableau de Van Ostade, basé sur ces études préparatoires, fut acquis par Louis XVI (1754-1793) et est aujourd’hui conservé au musée du Louvre5. Dans celui-ci, l’artiste semble avoir abandonné les efforts fournis dans ses dessins. L’emplacement des figures est encore différent – le changement de position des parents est frappant – ce qui laisse penser que Van Ostade a exécuté d’autres études sur papier. Il a certainement fait de même pour traiter certaines figures individuelles. L’identité de cette famille n’est pas connue. On a longtemps cru qu’il s’agissait de la famille d’Adriaen lui-même, mais cette hypothèse a depuis été écartée6. Seul un autre portrait de groupe est signé de sa main, celui de la famille De Goyer7. Il est possible que Van Ostade se soit senti plus à son aise en représentant des paysans festoyant à l’auberge ou occupés aux travaux des champs, dont il fit également de très nombreuses études sur le vif8.

MvS

1«  Het is merkwaardig hoe Ostade de groepering steeds veranderde  », inv. 1190.

2Provenance du dessin inv. 5096.

3Dans un des dessins, Van Ostade semble même s’être trompé dans le nombre d’enfants et en a dessiné neuf au lieu de huit (inv. 5037).

5Adriaen van Ostade, Portrait de famille, 1654, musée du Louvre, Paris, inv. 1679.

6Jean Vergnet-Ruiz (éd.), Le Siècle de Rembrandt. Tableaux hollandais des collections publiques françaises, cat. exp., Paris, Petit Palais, 1970-1971, n° 153.

7Adriaen van Ostade, La Famille De Goyer et le peintre, vers 1650-1655, Museum Bredius, La Haye, inv. 86-1946.

8Adriaen van Ostade a exécuté un grand nombre d’études de figures pouvant être considérées comme préparatoires à ses tableaux, comme c’est le cas de Paysans dansant dans une taverne (1659), Saint Louis Art Museum, inv. 147:1966, voir cat. exp. Paris/Washington D.C. 2016-2017, nos 72 et 75.