35. Gerrit Pietersz

Amsterdam 1566 – après 1608

Fillette portant un panier, 1607

L’utilisation de la plume dans ce dessin rappelle la manière de Jacques de Gheyn II (1565-1629) et de Hendrick Goltzius (1558-1617), surtout par le réseau serré des hachures et des pointillés1. Son auteur a dû fréquenter pendant un temps les mêmes cercles artistiques. Gerrit Pietersz., frère du compositeur Jan Pietersz. Sweelinck (1562-1621), a passé environ deux ans de son apprentissage à Haarlem dans l’atelier de Cornelis Cornelisz. van Haarlem (1562-1638) et Karel van Mander rapporte qu’il est ensuite resté « encore trois ou quatre ans à Haarlem, travaillant à son compte »2.

On sait que les concitoyens de Pietersz. tenaient en haute estime l’observation de la nature et que dessiner nae t leven (sur le vif) était un élément important de la formation des artistes. Pietersz. semble n’avoir pas été tout à fait de cet avis. Cette étude de figure à la plume est unique dans son œuvre dessiné. De sa main, nous ne connaissons aujourd’hui que des scènes mythologiques et bibliques d’un fini soigné uit de gheest (de sa propre invention), exécutées dans le style maniériste qui était très apprécié à Haarlem vers 1600. Le problème demeure néanmoins que peu de dessins de Pietersz. ont été conservés3, alors qu’il a dû beaucoup dessiner.

Pietersz. a probablement rencontré cette enfant à Amsterdam, où il est retourné vers 16004. Elle est pieds nus et porte un panier rempli de pommes ou d’œufs à son bras droit. Elle jette un œil de côté, de manière timide mais charmante – comme si le dessinateur venait de lui demander de ne plus bouger. Son attitude est très semblable à celle d’une des fillettes au premier plan du tableau La Prédication de Jean-Baptiste5. Cette toile a été réalisée en 1606, soit un an plus tôt que notre feuille qui ne peut donc pas en être une étude préparatoire.

Julius Held a noté que la jeune fille avait les deux mains botes, une déformation congénitale6. L’artiste a peut-être vu cette malformation comme une singularité dans la création divine, tout comme Jacques de Gheyn II quand il a dessiné un garçon sourd et muet7.

MvS

1Par exemple Jacques de Gheyn II, Prisonnier debout, tourné vers la gauche, plume et encre brune, 360 × 222 mm, musée du Louvre, Paris, inv. 19998, Recto.

2«  noch dry oft vier Iaer te Haerlem op zijn selven werckende  », voir Karel van Mander, De Levens, 1604.

3Parmi les autres dessins connus de Gerrit Pietersz., on peut citer : Mercure, Museum Boijmans Van Beuningen, Rotterdam, inv. MB 1975 / T28, Ulysse et Tirésias, National Gallery of Art, Washington D.C., inv. 1982.16.1, L’Annonciation aux bergers, Rijksmuseum, Amsterdam, inv. RP-T-1911-105. Son œuvre dessiné réunit un total d’environ seize dessins.

4On peut situer Gerrit Pietersz. à Amsterdam à partir de cette date grâce à la naissance de son fils, Jan Gerritszoon (vers 1601-1660) dans cette ville. De plus, son activité à Amsterdam à partir des années 1600 est attestée par la formation qu’il a notamment dispensée à Pieter Lastman (1583-1633).

5Musée du couvent Sainte-Catherine, Utrecht, inv. RMCC s89. 1976 – prêt du Musée historique d’Amsterdam, Amsterdam.

6Julius S. Held, «  Reviews : Karel G. Boon, The Netherlandish and German Drawings of the XVth and XVIth Centuries of the Frits Lugt Collection  », Master Drawings, vol. XXXIII, 1995, n° 3, p. 331.

7I. Q. van Regteren Altena, Jacques de Gheyn, Three Generations, La Haye, 1983, n° 685.

8Ce monogramme réapparaît dans un autre dessin : Gerrit Pietersz., Les Stigmates de saint François, 1608, plume et encre brune, lavis brun et mauve-violet, sur papier préparé brun clair, 135 × 175 mm, localisation actuelle inconnue.