Accueil Catalogues en ligne Enfants du Siècle d’or 42. Abraham van den Tempel Leeuwarden 1622/1623 – 1672 Amsterdam Portrait de Cornelis van Groenendyck (1658-1704), 1668 La chasse est l’un des divertissements élégants du Siècle d’or. Aussi, qu’elles soient nobles et s’y adonnent depuis des générations, ou appartiennent à la classe des régents et cherchent à imiter la noblesse, nombre de familles font représenter leur progéniture en jeunes chasseurs et chasseresses. Beaucoup sont des portraits historiés, dans lesquels, armés d’arcs et escortés de chiens, les fillettes arborent les attributs de Diane et les garçons des costumes de fantaisie à l’antique1. Il n’en est rien ici ; dans ce monumental portrait, presque grandeur nature, le garçonnet est habillé à la mode des années 1660. L’enfant est accompagné d’un chien de chasse2 et surtout d’un épervier qu’il porte sur un gant de cuir. Le chaperon sur la tête de l’oiseau de proie indique que le garçonnet a fini sa partie de chasse dont les prises gisent à ses pieds. À côté des deux alouettes capturées, le filet enroulé autour de piquets fait allusion à une autre méthode de capture, moins élitiste que la chasse au vol. Cet élégant jeune chasseur devait avoir dix ans lorsqu’Abraham van den Tempel le peignit en 1668. La physionomie du garçon semble confirmer cet âge que fournit l’identification ancienne du portrait comme étant celui de Cornelis van Groenendyck, né en 1658, futur échevin de la ville de Gouda, décédé en 1704. Cette identification provient certainement de la famille Van den Kerckhoven qui fit don de ce tableau et de plusieurs autres au musée municipal de La Haye, car la famille était liée aux Van Groenendyck depuis le XVIIIe siècle3. De plus, dans les catalogues du musée de 1890 et de 1900, il est précisé que le portrait se trouvait alors dans un cadre portant les armoiries des Van Groenendyck. Les tribulations du tableau ont hélas séparé la toile de son encadrement historique ; probablement avant le prêt du tableau par le musée municipal de La Haye au Mauritshuis, dont le catalogue de 1935 décrit l’œuvre sans mentionner le cadre et surtout, en mettant en doute l’identité du jeune modèle. Le choix que firent les parents de Cornelis van Groenendyck, descendants d’une des plus importantes familles de Gouda, de faire appel au portraitiste Van den Tempel en dit long sur l’ambition de la commande : en 1668, à quarante-cinq ans, l’artiste était alors au faîte de sa carrière. C’est d’abord dans la ville de Leyde qu’il se fait connaître comme peintre d’histoire et de portraits. Il sera l’un des fondateurs de la guilde de Saint-Luc de Leyde en 16484 dont il devient le directeur puis le doyen en 1659. Il s’installe l’année suivante à Amsterdam où sa carrière devait prendre plus d’essor encore. De nombreuses commandes prestigieuses lui sont alors confiées5. Il peint ainsi, en cette même année 1668 que le jeune Van Groenendyck, le portrait d’Albertine Agnes d’Orange-Nassau (1634-1696) avec ses enfants6. Abraham van den Tempel, sans doute habitué à son exigeante clientèle, produisit un vidimus pour les parents du petit Cornelis, un dessin préparatoire leur permettant de juger et d’approuver (ou de refuser) la composition projetée par l’artiste. Ce dessin, conservé au cabinet des arts graphiques de la bibliothèque universitaire de Leyde, ne détaille pas les traits de physionomie de l’enfant mais présente les grandes lignes de la mise en scène7. Le portraitiste a utilisé la pierre noire et la craie blanche sur un papier bleu, accentuant par-là l’effet pictural du dessin et se rapprochant ainsi de l’œuvre commandée. CT 1Voir notamment les portraits d’enfants par Gerard van Honthorst (1592-1656) et Caesar van Everdingen (vers 1617-1678) dans Kinderen op hun mooist. Het kinderportret in de Nederlanden 1500-1700, cat. exp., Haarlem, Frans Hals Museum, Anvers, Musée royal des beaux-arts, 2000, nos 37 et 73. 2Il s’agit sans doute d’un Nederlandse Kooikerhondje, chien leveur de gibier dont la race a son origine dans les Pays-Bas (n° 314 de la nomenclature de la Fédération Cynologique Internationale). 3La fille de notre modèle, Magaretha van Groenendyck (1693-1770), épousa Melchior Sebastiaan van den Kerckhoven (1692-1761). Étant la dernière descendante de l’importante famille de Gouda qu’étaient les Van Groenendyck, son patronyme fut ajouté à celui de son époux pour baptiser le premier fils né de leur union : Cornelis Adriaan van den Kerckhoven van Groenendyck. Voir : J. J. de Jong, Met goed fatsoen. De elite in een Hollandse stad, Gouda 1700-1780, s.l. [De Bataafsche Leeuw], 1985, p. 165. 4Leyde n’avait qu’une guilde rassemblant un grand nombre de corps de métiers de l’art et de l’artisanat. Les peintres de la ville, suivant le mouvement d’émancipation que connaît la profession depuis la fin du XVIe siècle partout en Europe, créèrent leur propre guilde afin d’ennoblir leur activité. Voir notamment Eric Jan Sluijter, De lof der schilderkunst : Over schilderijen van Gerrit Dou (1613-1675) en een traktaat van Philips Angel uit 1642, Hilversum, 1993, p. 15-16. 5La biographie la plus complète publiée à ce jour fut rédigée par Christiaan Vogelaar dans Dutch Classicism in Seventeenth-Century Painting, cat. exp., Rotterdam, Museum Boijmans Van Beuningen, Francfort-sur-le-Main, Städelsches Kunstinstitut, 1999, p. 254 et 258. 6Piet Bakker, Gezicht op Leeuwarden. Schilders in Friesland en de markt voor schilderijen in de Gouden Eeuw, thèse, Université d’Amsterdam, 2008, p. 87 et 235-236. Pour le portrait, voir : https://rkd.nl/explore/images/14419. 7Inv. PK-T-AW-279 ; voir David de Witt, 2006. 8Le tableau porte le numéro d’inventaire LL-ICNS01 dans les registres des prêts de longue durée à la Fondation Custodia.
La chasse est l’un des divertissements élégants du Siècle d’or. Aussi, qu’elles soient nobles et s’y adonnent depuis des générations, ou appartiennent à la classe des régents et cherchent à imiter la noblesse, nombre de familles font représenter leur progéniture en jeunes chasseurs et chasseresses. Beaucoup sont des portraits historiés, dans lesquels, armés d’arcs et escortés de chiens, les fillettes arborent les attributs de Diane et les garçons des costumes de fantaisie à l’antique1. Il n’en est rien ici ; dans ce monumental portrait, presque grandeur nature, le garçonnet est habillé à la mode des années 1660. L’enfant est accompagné d’un chien de chasse2 et surtout d’un épervier qu’il porte sur un gant de cuir. Le chaperon sur la tête de l’oiseau de proie indique que le garçonnet a fini sa partie de chasse dont les prises gisent à ses pieds. À côté des deux alouettes capturées, le filet enroulé autour de piquets fait allusion à une autre méthode de capture, moins élitiste que la chasse au vol. Cet élégant jeune chasseur devait avoir dix ans lorsqu’Abraham van den Tempel le peignit en 1668. La physionomie du garçon semble confirmer cet âge que fournit l’identification ancienne du portrait comme étant celui de Cornelis van Groenendyck, né en 1658, futur échevin de la ville de Gouda, décédé en 1704. Cette identification provient certainement de la famille Van den Kerckhoven qui fit don de ce tableau et de plusieurs autres au musée municipal de La Haye, car la famille était liée aux Van Groenendyck depuis le XVIIIe siècle3. De plus, dans les catalogues du musée de 1890 et de 1900, il est précisé que le portrait se trouvait alors dans un cadre portant les armoiries des Van Groenendyck. Les tribulations du tableau ont hélas séparé la toile de son encadrement historique ; probablement avant le prêt du tableau par le musée municipal de La Haye au Mauritshuis, dont le catalogue de 1935 décrit l’œuvre sans mentionner le cadre et surtout, en mettant en doute l’identité du jeune modèle. Le choix que firent les parents de Cornelis van Groenendyck, descendants d’une des plus importantes familles de Gouda, de faire appel au portraitiste Van den Tempel en dit long sur l’ambition de la commande : en 1668, à quarante-cinq ans, l’artiste était alors au faîte de sa carrière. C’est d’abord dans la ville de Leyde qu’il se fait connaître comme peintre d’histoire et de portraits. Il sera l’un des fondateurs de la guilde de Saint-Luc de Leyde en 16484 dont il devient le directeur puis le doyen en 1659. Il s’installe l’année suivante à Amsterdam où sa carrière devait prendre plus d’essor encore. De nombreuses commandes prestigieuses lui sont alors confiées5. Il peint ainsi, en cette même année 1668 que le jeune Van Groenendyck, le portrait d’Albertine Agnes d’Orange-Nassau (1634-1696) avec ses enfants6. Abraham van den Tempel, sans doute habitué à son exigeante clientèle, produisit un vidimus pour les parents du petit Cornelis, un dessin préparatoire leur permettant de juger et d’approuver (ou de refuser) la composition projetée par l’artiste. Ce dessin, conservé au cabinet des arts graphiques de la bibliothèque universitaire de Leyde, ne détaille pas les traits de physionomie de l’enfant mais présente les grandes lignes de la mise en scène7. Le portraitiste a utilisé la pierre noire et la craie blanche sur un papier bleu, accentuant par-là l’effet pictural du dessin et se rapprochant ainsi de l’œuvre commandée. CT 1Voir notamment les portraits d’enfants par Gerard van Honthorst (1592-1656) et Caesar van Everdingen (vers 1617-1678) dans Kinderen op hun mooist. Het kinderportret in de Nederlanden 1500-1700, cat. exp., Haarlem, Frans Hals Museum, Anvers, Musée royal des beaux-arts, 2000, nos 37 et 73. 2Il s’agit sans doute d’un Nederlandse Kooikerhondje, chien leveur de gibier dont la race a son origine dans les Pays-Bas (n° 314 de la nomenclature de la Fédération Cynologique Internationale). 3La fille de notre modèle, Magaretha van Groenendyck (1693-1770), épousa Melchior Sebastiaan van den Kerckhoven (1692-1761). Étant la dernière descendante de l’importante famille de Gouda qu’étaient les Van Groenendyck, son patronyme fut ajouté à celui de son époux pour baptiser le premier fils né de leur union : Cornelis Adriaan van den Kerckhoven van Groenendyck. Voir : J. J. de Jong, Met goed fatsoen. De elite in een Hollandse stad, Gouda 1700-1780, s.l. [De Bataafsche Leeuw], 1985, p. 165. 4Leyde n’avait qu’une guilde rassemblant un grand nombre de corps de métiers de l’art et de l’artisanat. Les peintres de la ville, suivant le mouvement d’émancipation que connaît la profession depuis la fin du XVIe siècle partout en Europe, créèrent leur propre guilde afin d’ennoblir leur activité. Voir notamment Eric Jan Sluijter, De lof der schilderkunst : Over schilderijen van Gerrit Dou (1613-1675) en een traktaat van Philips Angel uit 1642, Hilversum, 1993, p. 15-16. 5La biographie la plus complète publiée à ce jour fut rédigée par Christiaan Vogelaar dans Dutch Classicism in Seventeenth-Century Painting, cat. exp., Rotterdam, Museum Boijmans Van Beuningen, Francfort-sur-le-Main, Städelsches Kunstinstitut, 1999, p. 254 et 258. 6Piet Bakker, Gezicht op Leeuwarden. Schilders in Friesland en de markt voor schilderijen in de Gouden Eeuw, thèse, Université d’Amsterdam, 2008, p. 87 et 235-236. Pour le portrait, voir : https://rkd.nl/explore/images/14419. 7Inv. PK-T-AW-279 ; voir David de Witt, 2006. 8Le tableau porte le numéro d’inventaire LL-ICNS01 dans les registres des prêts de longue durée à la Fondation Custodia.