43. Wallerant Vaillant

Lille 1623 – 1677 Amsterdam

Tête d’un garçon

Avec cette tête de garçon gravée en manière noire, Wallerant Vaillant semble avoir voulu rivaliser avec un portrait peint. Non seulement le garçon est représenté presque grandeur nature, mais le modelé en noir et blanc de son visage a aussi une qualité toute picturale. Vaillant met à profit la nouvelle technique graphique de son temps pour obtenir de riches variations de tons. Il passe ainsi subtilement de la clarté des mèches qui captent la lumière autour du visage, au noir profond du reste de la chevelure qui se confond avec la texture veloutée de l’arrière-plan1. On comprend que Joachim von Sandrart (1606-1688), dans son dictionnaire d’artistes Teutsche Academie (1675), a considéré l’artiste lillois comme le praticien par excellence de la manière noire (Schwarze Kunst) et insisté sur le fait que ses estampes étaient des plus prisées2.

On a répertorié plus de deux cents gravures en manière noire de la main de Vaillant, réalisées pour la plupart à Amsterdam dans les années 1670. C’est par l’entremise du Prince Rupert (Ruprecht du Palatinat, 1619-1682), que l’artiste, quelques années auparavant, s’était familiarisé avec cette technique3. Pour la majorité des estampes, il reprenait des compositions d’Adriaen Brouwer (1605/1606-1638), d’Anthony van Dyck (1599-1641), de Gerard van Zijl (1607/1608-1665) et de Titien (vers 1488-1576) – d’où la grande variété de genres qui caractérise son œuvre. Quand Vaillant travaillait d’après ses propres projets, les sujets étaient plus limités. Les portraits de jeunes garçons dominent dans sa production. Les analogies avec l’œuvre de Michael Sweerts (1618-1664), dans laquelle les garçons sont souvent représentés avec tendresse et où la figure de l’apprenti artiste est centrale, sont frappantes. Vaillant a d’ailleurs transposé en gravure un tableau de Sweerts représentant un jeune artiste dessinant un buste en plâtre4. Il a poursuivi cette thématique avec des gravures en manière noire telles que le Modèle assis (Hollstein n° 98), le Jeune artiste au travail (Hollstein n° 102) et le Garçon lisant dans un livre (Hollstein n° 99).

Notre feuille – quant à elle basée sur une composition de Vaillant – est proche du groupe susmentionné, à la différence que les garçons représentés sont engagés dans une activité. L’enfant de notre gravure ne donne pas vraiment le sentiment de poser et son regard tourné vers le côté laisse penser qu’il est distrait par quelque chose qui se trouve hors du champ de l’image. Le spectateur a une impression de grande proximité entre l’artiste et son modèle. Cette tête bouclée est trop jeune pour pouvoir être Andries (ou André) Vaillant, le demi-frère de l’artiste qui fut, en 1670, à l’âge de quinze ans, son apprenti à Amsterdam et qui lui a souvent servi de modèle5.

MvS

1Ludwig von Siegen, qui a réalisé sa première gravure en manière noire en 1642, est communément décrit comme l’inventeur de cette technique.

2«  W. Vaillant, thut hierinn wunder.  », http://ta.sandrart.net/en/.

3La première estampe en manière noire du Prince Rupert est parue en 1657 à Francfort et c’est probablement peu après qu’il a commencé à collaborer avec Vaillant, parti pour Paris en 1659  ; voir Gerdien Wuestman, «  The mezzotint in Holland : «  easily learned, neat and convenient  »  », Simiolus, 23, 1995, p. 63-89.

4Hollstein n° 97  ; le tableau de Michael Sweerts se trouve au Minneapolis Institute of Arts, inv. 72.65. Il est peu probable que Vaillant et Sweerts se connaissaient : à aucun moment de leur carrière, les deux artistes n’ont été actifs dans la même ville.

5Hollstein n° 114, d’après le tableau de Vaillant conservé au Szépmüvészeti Múzeum, Budapest, inv. 53.465  ; voir Agnes Czobor, «  Ein Bildnis André Vaillants von Wallerant Vaillant  », Oud Holland, vol. 73, 1958, p. 242-246.