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53. Jean-Étienne Liotard

53. Jean-Étienne Liotard

Genève 1702 – 1789 Genève

Autoportrait, vers 1780

À la fin de sa vie, le peintre genevois Jean-Étienne Liotard a gravé un petit nombre d’estampes très expérimentales du point de vue technique. Elles ont aussi la particularité d’être excessivement rares, à l’instar de cet autoportrait tout en retenue qui passe pour le chef-d’œuvre de cet ensemble de gravures. Le premier catalogue de l’œuvre gravé de Liotard publié en 1897 recense sept épreuves, réparties en deux états. Nous connaissons deux épreuves du premier état, avant qu’une inscription n’ait été ajoutée dans la marge1. Du deuxième état, dans lequel figure l’intrigante légende « Effet Clair-obscur sans sacrifice », quatre épreuves ont à ce jour été répertoriées2. On trouve dans l’imposant catalogue raisonné établi par Marcel Roethlisberger et Renée Loche en 2008, une reproduction de l’admirable exemplaire que la Fondation Custodia a pu acquérir en 2010, qui appartenait encore à une collection particulière au moment de la parution du catalogue.

Liotard a gravé son estampe d’après un pastel qu’il avait réalisé vers 1770 à Genève et qu’il a transposé en miroir3. Dans ce dernier, son visage aux traits marqués sort pareillement en clair de l’ombre, mais le peintre est aidé dans son travail par l’emploi de touches de bleu et de rouge vifs, les couleurs si caractéristiques de ses pastels. Dans l’estampe, il s’agit de montrer comment on peut travailler en clair-obscur sans sacrifier à la lisibilité et à la clarté de la composition. Liotard est amené à réfléchir à ce sujet à la suite de son autoportrait exécuté pour son « Traité des principes et des règles de la peinture » de 1781, qui constitue un terminus ante quem pour la datation de notre estampe : « J’ai taché d’y mettre un bon clair-obscur  ; & quoique mes ombres soient fortes, elles sont cependant douces, n’ayant fait aucun sacrifice de clairs. L’ombre des cheveux & du linge étant un peu plus brune que le plus faible clair de l’habit, cette demi-figure est détachée de son fond »4.

Techniquement, notre autoportrait est sans égal. Il semble que Liotard n’a pas tenu compte des lois de la technique de la manière noire, ou mezzotinte, mais qu’il a exploré en totale liberté les possibilités offertes par le berceau5. En examinant la planche de près, on voit très bien la façon dont il a grainé le cuivre avec des berceaux de différentes largeurs6. La technique de base est la manière noire et il est concevable que Liotard l’ait découverte durant son séjour à Londres entre 1773 et 17757. Notre autoportrait présente un caractère intemporel en ce qu’il diffère totalement des estampes sophistiquées très en vogue à l’époque, obtenues avec cette technique.

La Fondation Custodia possédait déjà une contre-épreuve unique de l’autoportrait de Liotard jeune8. Dans cette eau-forte, l’artiste regarde avec des yeux pleins de curiosité le monde alentour. Dans notre feuille, il a un air résigné, méditatif. Entre les deux autoportraits, le peintre a accompli sa carrière. Il est heureux que ces deux effigies soient désormais réunies au sein d’une même collection, aux côtés d’un exceptionnel dessin de sa main et d’une miniature censée représenter Madame de Pompadour9. GL

1Au sujet de la magnifique épreuve conservée à Amsterdam, Rijksmuseum, voir Duncan Bull, Jean-Etienne Liotard (1702-1789), Zwolle, 2002, p. 38, fig. 30a.

2Marcel Roethlisberger et Renée Loche, Liotard. Catalogue, sources et correspondance, 2 vol., Doornspijk, 2008, vol. I, p. 648-49, n° 522. Les tirages du deuxième état sont conservés à Washington, Lessing Rosenwald Collection, National Gallery of Art ; Genève, Musées d’art et d’histoire ; Zürich, Eidgenössische Technische Hochschule ; et depuis 2010 à la Fondation Custodia pour l’exemplaire décrit plus haut (après avoir précédemment appartenu à une collection particulière).

3Ibid., vol. I, p. 588-90, n° 447, vol. II, fig. 658.

4J.E. Liotard, Traité des principes et des règles de la peinture, Genève, 1781, p. 23.

5Roethlisberger et Loche 2008, op. cit. (note 2), vol. I, p. 648, note 3.

6Carol Wax, The Mezzotint. History and technique, Londres, 1990, p. 88.

7Victor I. Carlson et John Ittman, Regency to Empire. French Printmaking 1715-1814, cat. exp., Baltimore, The Baltimore Museum of Arts, Boston, Museum of Fine Arts, et Minneapolis, The Minneapolis Institute of Arts, 1984-1985, p. 245-46, cat. n° 84.

8Anne et Udolpho van de Sandt dans Mària van Berge-Gerbaud, Morceaux Choisis parmi les acquisitions de la Collection Frits Lugt réalisées sous le directorat de Carlos van Hasselt 1970-1994, cat. exp., Paris, Institut Néerlandais, 1994, p. 162-63, cat. n° 75 ; Roethlisberger et Loche 2008, op. cit. (note 2), p. 244-45, cat. n° 18 ; et Huigen Leeflang, « A Self-Portrait by Jean-Etienne Liotard from the Artist’s Family Holdings », The Rijksmuseum Bulletin, LIX, 2011, p. 204-207.

9Colin B. Bailey et al., Watteau to Degas : French Drawings from the Frits Lugt Collection, cat. exp., New York, The Frick Collection, et Paris, Institut Néerlandais, 2009-2010, p. 53-54, cat. n° 11 ; et Karen Schaffers-Bodenhausen, Portrait Miniatures in the Frits Lugt Collection, 2 vol., Paris, 2018, vol. I, p. 238-240, n° 103, vol. II, pl. 103.